Joyland

Affiche Joyland
Réalisé par Saïm Sadiq
Titre original Joyland
Pays de production Pakistan
Année 2022
Durée
Musique Abdullah Siddiqui
Genre Comédie dramatique
Distributeur Trigon
Acteurs Ali Junejo, Rasti Farooq, Alina Khan, Sarwat Gilani, Salmaan Peerzada
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 899

Critique

Auréolé par la critique, lauréat du prestigieux prix Un Certain Regard et de la Queer Palm à l’édition 2022 du Festival de Cannes, Joyland est une ode à la liberté dans un pays peu connu pour la cultiver – ce n’est guère un hasard si le Ministère de l’Information du Pakistan en a interdit la sortie en salles…


Au cœur de la métropole animée de Lahore, Pakistan, vit la famille nombreuse des Rana. Malgré son grand âge et son corps grabataire, le paterfamilias dirige encore d’une main de fer les affaires du ménage. Tandis que son fils aîné a déjà eu quatre filles avec sa femme, Haider, le plus jeune, tarde encore à entrer dans la vie d’adulte. Pourtant marié à l’intelligente et autrement plus entrepreneuse Mumtaz, il n’a guère envie de trouver un travail ni de mettre au monde l’héritier mâle tant attendu. Jusqu’au jour où son regard croise celui de Biba, une danseuse trans magnétique. Haider n’a qu’une envie : rejoindre sa troupe de danseurs pour se rapprocher d’elle. Non sans provoquer le désarroi de son paternel et surtout de son épouse.

Pour un premier film, le cinéaste pakistanais Saim Sadiq frappe fort. Dans un entretien avec le distributeur Trigon, Sadiq explique que les personnages de son scénario ont grandi avec lui pendant des années, et l’ont accompagné au quotidien, comme des amis, comme des proches. Et cela se ressent dans le regard qu’il pose sur eux par sa mise en scène, par ses dialogues, jamais caricaturaux ni faciles. En choisissant un format quasi carré avec un grain analogue à celui d’une pellicule 16mm, Sadiq évoque justement ces films de famille sans prétention tournés davantage pour commémorer une forme d’amour, et moins pour commémorer un événement en particulier. Ce qui se dégage de l’intrigue de Joyland est l’impression d’un moment flottant parmi une série d’autres moments qui l’ont précédée et lui succéderont, indépendamment du regard du spectateur voire du cinéaste. Malgré donc un sujet difficile et parfois grave, le film ne tombe jamais dans le pathos – que nous oserions même appeler le pathos typiquement masculin de tout un pan du cinéma indépendant qui n’ose que très rarement aborder les questions graves avec légèreté.

Sadiq cloue au pilori le système patriarcal moribond de son pays, de moins en moins pertinent face à l’évolution des mœurs. Il est ici incarné par le père, vieillard handicapé et incontinent qui vocifère des ordres que l’on suit seulement par réflexe symbolique plus que par respect. Haider refuse de rentrer dans le moule que son père a ciselé pour lui, et préfère suivre son cœur dans une relation trouble mais passionnelle avec une personne trans, Biba. Et la force du scénario est de ne pas nous expliquer pourquoi Haider tombe si éperdument amoureux de Biba – est-ce par homosexualité ? est-ce parce qu’elle est trans ? etc. – mais de laisser cette relation dans l’indistinction propre aux affections naissantes. De son côté, Mumtaz refuse également d’endosser le rôle de mère pondeuse, instrument biologique pour la pérennité de l’arbre généalogique dont les racines pourrissent depuis longtemps. Elle ne souhaite qu’une chose, fuir, son mariage raté, cette famille carcérale, son pays liberticide, mais surtout, le patriarcat.

Aussi, Joyland, littéralement « pays de la joie », sous couvert d’une fiction douce-amère, nous raconte avec toute la pertinence d’un documentaire les aspirations d’une génération efflanquée de jeunes gens qui cherchent encore cette joie.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 13
Marvin Ancian 18