Girl Gang

Nominé pour le Prix du meilleur documentaire suisse aux Quartz 2023, Girl Gang suit le quotidien d’une influenceuse adolescente sur les réseaux et son rapport à l’image.

Les influenceuses et influenceurs jouissent d'une notoriété et d'un pouvoir inimaginables pour qui n'est pas familier avec cette pratique sur les réseaux sociaux. S'il n'y a rien de nouveau dans le rapport des followers avec leurs idoles, image sur laquelle sont projetées mille et une qualités, ce qui surprend est le vide qui se cache derrière celle-ci. Et c'est cette futilité que le documentaire Girl gang, nominé pour le prix du meilleur documentaire suisse 2023, met en évidence, en dénonçant – par la musique et les images – le dévouement religieux des fidèles face à leur nouvelle divinité.

Sans jugement, et c'est là une véritable prouesse, la cinéaste Susanne Regina Meures suit pendant quatre ans le quotidien d'une influenceuse adolescente à la popularité toujours croissante, Leonie – vivant dans la périphérie de Berlin. Parallèlement, Melanie, une des followers de Leonie, dévoile devant la caméra l'idolâtrie qu'elle a longtemps vouée à cette dernière, lui consacrant l'essentiel de son temps sur les réseaux, sans qu'elle ne parvienne pourtant à instaurer un dialogue avec elle, aussi vain fût-il.

Les parents, devenus ses managers, sont ses seuls interlocuteurs réels, contre lesquels elle s'énerve bien souvent. Ils l'aident à poursuivre son rêve – à moins que ce soit le contraire, on ne sait plus très bien. Rencontres avec des fans, enregistrements de stories (des publicités pour différentes marques, quand elle ne se filme pas simplement en train de ne rien faire) et déplacements remplissent les journées de la star du virtuel. Ou plutôt ce que l'on en voit. En effet, est exclue du documentaire l'interaction de Leonie avec ses pairs, à l'école ou en dehors. Car, nous dit-on, le prix à payer pour cette carrière est le sacrifice de relations sociales véritables.

Le paradoxe du film est ainsi d'élaguer un pan de la vie de Leonie, en prétendant nous montrer une réalité objective (la cinéaste s'efface complètement derrière la caméra). Dès lors, si le documentaire dénonce le vide derrière l'image reluisante postée sur les réseaux, il ne thématise pas sa propre construction du personnage de Leonie, ce qui est regrettable.