Les Harkis

Affiche Les Harkis
Réalisé par Philippe Faucon
Titre original Les Harkis
Pays de production France, Belgique
Année 2022
Durée
Musique Amine Bouhafa
Genre Historique, Drame
Distributeur Adok films
Acteurs Pierre Lottin, Théo Cholbi, Mohamed El Amine Mouffok, Yannick Choirat, Omar Boulakirba, Mehdi Mellouk
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 889

Critique

Les Harkis constitue une épure historique prenante et tragique de la position intenable des Algériens engagés dans l’armée française pendant la guerre d’Algérie.

Avant la projection des images d’une Algérie en pleine campagne en 1959 bordée de chèvres; avant la découverte par un père - puis par la mère et le frère - de la tête de son fils, déposée en pleine nuit dans un panier d’oseille, on est ainsi confronté aux conditions d’une déchirure fratricide: un enjeu de définition - celle d’une identité et d’un engagement - et de traduction - entre deux langues. Car si, dans le film de Philippe Faucon, le langage est rare, les dialogues épurés, ils disent au mieux, sur fond de silence et de mouvements de troupes, de manière chirurgicale, la position intenable de ces Algériens qui se sont engagés dans l’armée française dans les années 1960 pour combattre les «coupeurs de route» par conviction, vengeance personnelle ou obligation matérielle. Intenable, car le spectateur connaît la fin de l’Histoire: le cessez-le-feu signé en mars 1962 avec les accords d’Évian au profit de l’autodétermination défendue par Charles de Gaulle qui condamnera les harkis à n’être ni français (même si certains seront «des Français musulmans rapatriés» au compte-gouttes) ni algériens. Cet entre-deux impossible est constamment rappelé par le jeu de langage martial (du processus d’engagement, aux ordres de marche, jusqu’à la démilitarisation) qui se fait toujours d’abord en français, puis par l’entremise d’un traducteur - est-il encore algérien, est-il vraiment français? - en arabe.

Le film suit en particulier trois harkis, Salah (Mohamed Mouffok), Kaddour (Amine Zorgane) qui sont sans-le-sou et Krimou (El Mehdi El Hakimy), fellagha qui se fera capturer puis torturer avant de révéler la position des siens et de rester au service de l’armée française pour des raisons de survie, mais aussi le lieutenant Pascal (Théo Cholbi) qui désobéira à ses supérieurs pour ne pas abandonner ses hommes et les faire rapatrier en France en 1962. Prenant le relais des mots en deux langues, chacune des actions de ces personnages apparaît toujours double: on sent dans leurs (échanges de) regards et dans les gestes, une déchirure intégrée, intrinsèque - parfois déniée par nécessité militaire, parfois exposée; c’est que le tragique n’est pas seulement fixé à l’aune d’une téléologie historique qui nous présente depuis le début ceux qui se sont trompés de camp, il est avant tout inscrit dans les personnages eux-mêmes, intimement, et ce, dès le début du récit: ce sont les cris de la mère du fils décapité par ses frères, et dont le mari, par nécessité matérielle (et peut-être idéologique), envoie le cadet en remplacement à l’armée française puisque de toute façon «la France [te] récompensera, et si elle ne le fait pas, Dieu le fera».

C’est donc au moyen d’une épure, jamais manichéenne, mais dense et compacte, que Philippe Faucon restitue à la mémoire en la mettant en images, non pas le destin - puisque cette histoire est finie et qu’il n’y a pas de monde après-guerre pour les harkis -, mais l’absence de lieu pour ceux qui auront été à la fois vus, définis et traduits comme des traîtres et des martyrs d’une configuration géopolitique bifide au sortir de la colonisation française de l’Algérie.

Jonas Pont

Jonas Pont

Appréciations

Nom Notes
Jonas Pont 16