Chronique d'une liaison passagère

Affiche Chronique d'une liaison passagère
Réalisé par Emmanuel Mouret
Titre original Chronique d'une liaison passagère
Pays de production France
Année 2022
Durée
Genre Comédie dramatique, Romance, Drame, Comédie
Distributeur DCM
Acteurs Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scalliet, Maxence Tual, Stéphane Mercoyrol
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 884

Critique

Le cinéma d’Emmanuel Mouret, on le sait, possède un terrain de prédilection: le territoire amoureux. Toujours, c’est lui qu’il documente, en cartographe obnubilé par son obsession. Chronique d’une liaison passagère sonne comme une variation réussie de ce même thème.

Dans un bar, Charlotte (Sandrine Kiberlain) et Simon (Vincent Macaigne), filmés en plan-séquence soumis, réglé pour suivre à la trace leurs corps ivres de désir, continuent un jeu de séduction commencé lors d’une soirée récente, apprend-on par les dialogues. Lui, marié et père de famille, avance à reculons, pris dans un tiraillement qui l’étire entre l’excitation et la culpabilité, alors que d’elle, mère célibataire, émane la confiance inflexible de la certitude et de la détermination. L’embarras de Simon trouvera néanmoins l’apaisement au travers d’une promesse: entre eux, pas d’engagement, uniquement du plaisir, une relation exclusivement charnelle, verrouillée aux ardeurs de l’amour.

Le positif avec une œuvre aussi globale que monomaniaque comme l’est celle de Mouret, c’est qu’elle nous offre, au détour de ses précédents films, des clés de compréhension: après tout, n’entendions-nous pas dans Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait qu’il «ne faut pas mettre de la gravité là où il n’y en a pas»? Or, la gravité et l’amour se ressemblent étrangement, comme des sœurs siamoises, et aiment à s’inviter sans prévenir là où elles sont pourtant exclues. C’est précisément pour cette raison que l’on dit de l’amour qu’il est ouvert à l’altérité: car comme l’Autre, il entre toujours par effraction, s’impose de force, et oblige ainsi à l’altération de soi. Rien de plus excitant dès lors pour une mise en scène que de capturer les distorsions d’une partition jouée sans doute un peu trop en avance.

Ecrit à la manière d’une chronique, le long métrage en prend également la forme: chacune des entrevues de Charlotte et Simon est précédée d’un carton qui en mentionne la date (28 février, 12 mars, etc.) On pourrait de suite crier à la facilité de l’opération mais ce serait mécomprendre la subtilité de leur usage, leur fonction: les cartons tendent ici à manifester la disjonction du verbe et du vécu. Alors que Simon et Charlotte ont gagé de ne se retrouver que sporadiquement autour du sexe, les cartons signifient l’intensification de leur relation - d’un rendez-vous hebdomadaire, le jeudi, les amants finissent par se voir avec plus de régularité tout en partageant une complicité intellectuelle qui excède largement leur attirance physique (ils vont au théâtre, au musée, s’organisent des week-ends ensemble, etc.) A ce titre, Simon et Charlotte s’inscrivent parfaitement dans la lignée des personnages de Mouret, en ceci de particulier qu’ils expérimentent les limites de l’intellectualisation de leur histoire: la légèreté qui les unit semble s’alourdir à mesure que leurs sentiments s’expriment.

On touche là au cœur de la grammaire du film: Chronique d’une liaison passagère se distingue par sa réalisation cérébrale. Non pas qu’elle soit pédante ou compliquée - le métrage se caractérise au contraire par une simplicité délicieuse - mais parce qu’elle prend le soin de traquer avec minutie le moindre tropisme, ces mouvements cruciaux de la conscience. Ainsi sont à lire les nombreux travellings avant sur le visage des protagonistes: tous viennent marquer un basculement qui s’effectue dans la conscience, une réflexion qui émerge et dont le jaillissement annonce que rien ne sera plus jamais pareil. Le point culminant de cette économie stylistique réside dans l’une des dernières séquences du film où un travelling se rapproche du visage mélancolique de Charlotte avant que la coupe ne fasse place à un montage-mémoire qui embrasse une dernière fois tous les espaces qu’elle a parcourus avec Simon.

Kevin Pereira

Appréciations

Nom Notes
Kevin Pereira 17
14