Millennium Mambo

Affiche Millennium Mambo
Réalisé par Hou Hsiao Hsien
Pays de production Taïwan
Année 2001
Durée
Musique Giong Lim, Yoshihiro Hanno
Genre Comédie dramatique
Distributeur Océan Films
Acteurs Jack Kao, Qi Shu, Tuan Chun-Hao, Yi-Hsuan Chen, Yun Takeuchi
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 416
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Hou Hsiao Hsien, père fondateur du cinéma de Taiwan, livre ici un document très sombre sur la vie à Taipei. Histoire d'une jeune femme, Vicky, ""une fleur qui se fane rapidement"", MILLENNIUM MAMBO est un enchantement visuel pour les yeux, mais un film lent et un tableau pessimiste sur la jeunesse taiwanaise actuelle.

Vicky est partagée entre deux hommes, Hao-Hao et Jack. Le soir elle s'occupe des relations publiques d'une boîte de nuit pour les aider tous deux. Elle ne supporte bientôt plus Hao-Hao qui la surveille en permanence, vérifiant ses factures de téléphone et les messages qu'elle reçoit. Elle décide de s'enfuir. Pendant ce temps-là, Jack investit dans différentes affaires plus ou moins louches, et Vicky se réfugie chez lui. Une relation plus intime pourrait s'instaurer, mais Jack doit partir...

Abandonnant les films d'époque - LE MAÎTRE DE MARIONNETTES (1993), LES FLEURS DE SHANGAI (1998) - Hou Hsiao Hsien nous donne à découvrir une chronique, longue et désenchantée, sur la vie du couple, sur la réalité sociale de la vie à Taipei et sur le malaise d'une jeunesse en mal de repères. Les trois protagonistes principaux du film sont en effet embarqués dans un mouvement perpétuel de sensations et de sentiments nouveaux, mais qui se révèlent totalement vides. Et Taipei semble être une ville sans mémoire, qui n'a pas gardé les traces de son passé et qui vit uniquement dans l'instant. Techno, cigarettes, drogue et alcool accompagnent la vie de Vicky, personnage à la fois émouvant et perdu, superficiel et profondément agaçant, pour qui le monde se réduit à un bar et une chambre. Petit papillon de nuit, l'héroïne du film se brûle les ailes dans toutes les boîtes nocturnes où elle traîne.

Huis clos coupé de toute lumière naturelle, MILLENNIUM MAMBO est une œuvre radicalement pessimiste, une description d'un monde anesthésié, sans désir et sans espoir. Hou Hsiao Hsien glisse pourtant une petite allusion qui permet de sortir, un tant soit peu, de ce cercle infernal: le film s'ouvre en effet sur un plan de Vicky qui parle d'elle en disant: ""C'était il y a dix ans, en 2001""... Le film semble donc s'inscrire dans un passé déjà révolu (dont le cinéaste va rechercher les traces) et le spectateur peut en déduire que Vicky, en 2011, a survécu et échappé aux menaces de dérive qui planaient sur elle dix ans plus tôt. Mais c'est tout...

A signaler, dans ce film assez désespéré, une qualité d'écriture cinématographique très particulière, faite d'images finement ciselées, de cadrages dont la précision touche à la perfection, et une utilisation remarquable, à travers de très beaux et longs plans-séquences (il n'y en a que 70 pour un film de deux heures!), de la profondeur de champ de chaque plan. C'est par cette architecture subtile, souvent envoûtante et laissant place à l'émotion, que le cinéaste taiwanais tente une nouvelle opération de séduction. Mais il n'est pas sûr qu'il y parvienne: on peut en effet ne pas aimer un tel cinéma, qui se situe aux antipodes des films saturés d'effets, survoltés et bâtis à l'esbroufe. Film lent et long, MILLENNIUM MAMBO n'est donc pas à conseiller à un spectateur pressé qui cherche à tout prix la surprise et l'imprévu... Le cinéma de Hou Hsiao Hsien se découvre comme une œuvre picturale. Il doit se lire au rythme naturel du temps.

Vicky raconte ainsi ce que fut sa vie en 2001 (le nouveau ""millennium""). A la fin du film elle se retrouve seule avec son portable, dernier lien avec un monde qui semble devoir disparaître. Dehors il neige comme sur un écran de télévision lorsque toutes les émissions sont finies...





Hou Hsiao Hsien



A 54 ans Hou Hsiao Hsien reste l'un des cinéastes les plus importants du cinéma taiwanais, dont il a été le chef de file. Dans ses premiers films le cinéaste évoque son enfance, le passage à l'âge adulte et les relations entre générations. Avec LA CITE DES DOULEURS (1989), LE MAÎTRE DE MARIONNETTES (1993) et GOOD MEN, GOOD WOMEN (1995), Hou Hsiao Hsien parle de l'histoire de la Chine, depuis l'occupation japonaise jusqu'aux années qui suivent la fin de la deuxième guerre mondiale. Dès GOODBYE SOUTH, GOODBYE (1996), il s'attache à décrire la jeunesse taiwanaise actuelle, à la recherche de nouveaux points de repère."

Antoine Rochat