Gosford Park

Affiche Gosford Park
Réalisé par Robert Altman
Pays de production Grande-Bretagne, U.S.A., Italie
Année 2001
Durée
Musique Patrick Doyle
Genre Policier, Comédie
Acteurs Laurence Fox, Bob Balaban, Kristin Scott Thomas, Richard E. Grant, Stephen Fry
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 433
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Robert Altman excelle dans les scènes de genre. Celle-ci peint la vie et les interférences entre la bourgeoisie anglaise, et ses domestiques. C'est un plaisir subtil et mordant qu'il ne faut pas rater.

""Je n'avais jamais encore tourné d'énigme policière à l'anglaise, mais le genre m'a toujours passionné."" Robert Altman s'y est mis avec un brio remarquable. Seul James Ivory avec LES VESTIGES DU JOUR (THE REMINDS OF THE DAY) a pareillement réussi le portrait de l'aristocratie britannique. Sauf que le ton de son œuvre est plus grave. Altman, lui, ne se départit pas de son implacable ironie, et de ce point de vue, c'est, par exemple, à son READY TO WEAR (Prêt-A-porter, 1994) qu'on peut songer.

L'automne pluvieux de 1932 est largement entamé, la saison est bonne pour tirer le lièvre. Sir William McCordle (Michael Gambon) et son épouse Lady Sylvia (Kristin Scott Thomas) organisent une partie de chasse et invitent leurs amis pour le week-end, dans leur somptueux manoir de Gosford Park. Chacun arrive avec sa suite. Les caprices des nobles et le ballet des domestiques peuvent entamer leur contrepoint. Pendant qu'on change de toilette pour le thé, puis pour le dîner, la caméra prend le temps de traîner dans l'intimité des chambres et la pénombre des couloirs. On s'en doutait, la cordialité est une façade et derrière elle, bien des miasmes s'entretiennent. Cette réalité s'affirme bientôt, un meurtre est commis.

""Un point était clair dès le début, précise Robert Altman, l'accent serait mis sur le contexte social et les circonstances du crime plutôt que sur l'identité du coupable."" Fidèle à cette idée de départ, le réalisateur met en lumière les raisons, les causes possibles, les engrenages et les rancœurs. Un autre parti choisi par le réalisateur est celui de promener sa caméra dans le labyrinthe des locaux de service. Le spectateur va donc découvrir l'aristocratie par le point de vue des domestiques.

L'action se passe en Angleterre, dans le même manoir que celui de REMINDS OF THE DAY, avec des comédiens anglais. L'armée de domestiques qui se partagent la tâche, chacun au service de sa propre maison, se reconnaissent entre eux par le nom de leurs maîtres. Le persiflage de ces derniers (excellente Maggie Smith en perfide Comtesse de Trentham) déteint dans les cuisines et les offices. La hiérarchie de la noblesse s'installe de la même manière chez les subalternes. Portraits de classes, portraits d'étages partout règnent les faux-semblant. GOSFORD PARK dresse un inventaire des comportements humains que ne renieront pas les sociologues. On y perçoit les germes de drames autrement terribles que le meurtre de Gosford Park et qui n'ont cessé de bouleverser l'histoire.

Ultime originalité de cette exposition, un réalisateur américain peint une intrigue anglaise. Altman ne l'oublie jamais. Il se donne un alter ego en la personne de Morris Weissman (Bob Balaban, coauteur du projet d'Altman). Ce personnage est un réalisateur américain, pendu au téléphone pour donner des directives à sa production et répétant d'une voix forte que ce qu'il voit à Gosford Park ne peut qu'inspirer son film. Morris et son faux valet (Henry Denton) sont incarnés par les seuls acteurs américains de la distribution. Ils sont surtout, au cœur même du film, la critique réaliste d'un système entré en agonie."

Geneviève Praplan