Wild Men

Depuis plusieurs années, les Scandinaves donnent au monde entier des leçons de qualité, de nouveauté, d’audace, de noirceur, de bizarrerie ou d’impertinence. Cet Objet Filmique Non Identifié qu’est Wild Men en donne un nouvel exemple.

Sur une montagne, un homme costaud, hirsute, vêtu d’une peau de bête, contemple une grande forêt, chasse sa nourriture avec un arc et des flèches. Cela pourrait prendre place dans un lointain passé, jusqu’à ce qu’on le voie aller chercher des chips, de la bière et de quoi recharger son téléphone dans une station-service. Nous découvrons avec un joyeux frémissement que cet homme parfaitement contemporain a décidé de tout quitter, femme et enfants, travail et société, afin d’opérer un retour aux sources et de vivre définitivement comme un ours en pleine nature. Mais sa rencontre avec un jeune homme blessé (qu’il va soigner «à l’ancienne») et recherché par la police va bouleverser ses projets, et l’amener à rejoindre un village communautaire de Vikings dans un autre coin perdu. Nous n’en dévoilerons pas plus, tant le film est bourré d’humour à froid, de surprises saugrenues et de dingueries diverses. Mais sans pour autant n’être qu’une simple comédie. C’est beaucoup plus complexe et malin que cela.

Car cette crise de la quarantaine vécue par le héros va progressivement dévoiler plusieurs autres personnages aux prises avec des situations qui leur échappent. Des adultes dits responsables, fatigués de leurs responsabilités, des policiers guère enthousiastes à l’idée de crapahuter dans la montagne pour poursuivre un suspect, tous ont peut-être également envie, inconsciemment, de revenir aux sources. Les situations vont déraper, les destins vont s’accomplir, la violence parfois survenir mais toujours avec une distance mâtinée d’humour noir. Le scénario n’aurait sans doute pas déplu aux frères Coen. Le film est toutefois totalement dénué de la prétention, de l’autosatisfaction que l’on peut parfois trouver chez eux.

Lente, insistante, la mise en scène accompagne et souligne formidablement l’inexorabilité parfois drolatique du récit. Tous les comédiens, dont la plupart sont peu ou pas connus sous nos latitudes francophones, sont épatants, et en premier Rasmus Bjerg dans le rôle de Martin, l’homme des bois. Bjørn Sundquist, qui joue le vieux flic fatigué est aussi génial. Un visage familier et qui fait plaisir, celui de la magnifique et trop rare Sofie Gråbøl, particulièrement connue pour avoir joué l’enquêtrice Sarah Lund, héroïne de l’excellente série télé The Killing (Forbrydelsen en V.O.).

Wild Men vous fera passer un moment étrange, drôle et grave. Farfelu aussi, mais vraiment pas tant que ça.