Bianca

Affiche Bianca
Réalisé par Nanni Moretti
Titre original Bianca
Pays de production Italie
Année 1984
Durée
Musique Franco Piersanti
Genre Comédie dramatique
Distributeur trigon-film
Acteurs Nanni Moretti, Laura Morante, Enrica Maria Modugno, Roberto Vezzosi, Claudio Bigagli, Remo Remotti
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 864

Critique

Une année avant La Messe est finie, ce petit bijou du réalisateur italien adopte le point de vue d’un homme aux sentiments exacerbés. Il n’élude pas pour autant une vision du monde dépourvue de complaisance.

Nanni Moretti n’a jamais été tendre envers son pays, ni envers l’humanité en général. Dans ce sens, Bianca et La Messe est finie ont souvent été associés, le premier sorti en 1984 et le second en 1985. Les deux promènent leur personnage principal, toujours incarné par Nanni Moretti lui-même, dans une forme de détresse existentielle incurable, largement inspirée par une observation amère de la société. C’est particulièrement vrai dans Bianca.

Michele Apicella (Nanni Moretti), jeune professeur de mathématiques, fait ses premiers pas dans son nouveau collège, l’Ecole Marilyn Monroe. Ici «l’on ne forme pas, mais on informe», lui est-il annoncé pour lui présenter une pédagogique inattendue à laquelle il se résigne. Arrivé dans l’appartement qu’il occupera désormais, il l’a soigneusement aseptisé. Maintenant campé sur sa terrasse, il regarde ses voisins sans gêne, n’hésite pas à critiquer leurs habitudes et la qualité de leurs relations. C’est que Michele est un obsédé de la pureté, celle des sentiments surtout; il est un homme pour qui tout est noir ou blanc, noir comme ces couples qui se disputent, blanc comme Bianca (Laura Morante), la femme dont il va tomber amoureux.

Nanni Moretti sait exactement ce qu’il veut de son personnage, il ne peut que l’incarner à la perfection. Voici un homme plein de discours sur l’idéal, de morale tranchée et de désir fou pour l’amour éternel. Toutefois, Michele apparaît aussi comme un homme ordinaire, soigné, gourmand, enseignant pas plus singulier que ses collègues et ami soucieux du bonheur de ses proches. Une belle âme, au fond.

Mais rien n’est aussi simple, tout est à prendre en considérant l’implicite, ce qu’il y a sous les mots, derrière les gestes. Si l’on n’y est pas attentif, la névrose de Michele peut passer pour de l’excentricité. D’autant que ce qui dérange le professeur provient des incohérences de la société, de ses comportements discutables. Ainsi le réalisateur se glisse-t-il dans son personnage pour montrer ce qui ne va pas. La légèreté des unions conjugales par exemple, le désordre de l’éducation nationale ou encore, la plage et son laisser-aller qui provoque chez Michele un geste déplacé envers une jeune femme - n’y voyons pas ce geste, mais bien les attitudes impudiques des couples étendus sur le sable.

Peu à peu, Michele s’affirme comme un personnage aussi agaçant que malheureux, inadapté social qui n’en a pas l’apparence. Son désir de couple heureux peut se comprendre avant de devenir impertinent pour les autres, nuisible pour lui-même. L’évolution est discrète, comme l’est celle du film qui, malgré la présence constante du commissaire de police (Roberto Vezzosi) ne prend jamais le style d’un film policier. Moretti joue avec tant de finesse qu’on peine à croire au dénouement du film.

On retrouvera dans La Messe est finie le même humour sarcastique, le même espoir d’un monde meilleur, la même déception devant l’impossibilité de changer le monde. Dans les deux cas, Moretti réussit un personnage en équilibre entre ses tendances contradictoires, dressé comme un témoin face à ceux qu’il veut maintenir dans sa morale, insupportable donneur de leçon, mais ô combien émouvant.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15