La Fête du feu

Affiche La Fête du feu
Réalisé par Asghar Farhadi
Titre original Chaharshanbe-soori
Pays de production Iran
Année 2006
Durée
Genre Drame, Thriller
Distributeur trigon-film
Acteurs Taraneh Alidoosti, Sahar Dolatshahi, Hedieh Tehrani, Hamid Farokhnezhad, Pantea Bahram, Matin Heydarnia
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 864

Critique

Sorti en 2006, ce film est le troisième du réalisateur iranien. On y reconnaît déjà l’une des qualités de Farhadi, cette façon subtile d’entraîner le spectateur dans l’histoire et de lui faire comprendre par lui-même une situation vécue par d’autres.

Son titre l’annonce, l’histoire du film se passe en plein Norouz, le Nouvel An du calendrier persan, fête traditionnelle iranienne qui se situe alentour du 21 mars. Asghar Farhadi fixe la fête dans le décor et se concentre sur quelques personnages. Roohi (Taraneh Alidousti) d’abord, jeune fiancée dont le mariage est imminent, qui va travailler ce jour-là comme femme de ménage chez un couple aisé. Morteza (Hamid Farrokhnejad), le mari, lui ouvre la porte d’un appartement chambardé. L’épouse Mozhde (Hedieh Tehrani) est absente. La sonnerie de l’interphone étant cassée, Roohi a dû faire appel à la voisine, Simin (Pantea Bahram) pour pouvoir entrer dans l’immeuble.

Roohi qui baigne dans le bonheur arrive au cœur d’un mariage en déliquescence. Morteza est nerveux, désorganisé, il s’exaspère en parlant de sa femme, répond nerveusement au téléphone et finit par s’en aller. Puis arrive Mozhde tout aussi désorientée. Roohi, tantôt renvoyée, tantôt rappelée, sent qu’elle subit le désarroi de sa patronne. Elle la devine ballottée entre le mensonge et la vérité, déchirée entre ce qu’elle a envie de croire et ce que lui disent certains indices. Dans ce contexte survolté, qu’excitent encore plus les crépitements de la Fête du feu, la femme de ménage comprend ce qu’elle peut et tente à sa manière de réparer les dégâts.

Le film se déroule en une journée, la plupart du temps dans l’appartement du couple. Les protagonistes partent et reviennent sans cesse; presque rien n’est dit, tout est suggéré à l’intuition du spectateur. Cette sorte de huis clos génère une forte tension à laquelle répondent les bruits de l’extérieur, feux d’artifice plus évocateurs de conflits que de réjouissances. S’il n’y est jamais question de politique, tout y ramène constamment. Par exemple, Roohi laisse son tchador s’embrouiller dans l’essieu de la moto que conduit son fiancé (la scène a été censurée en Iran). Puis elle le néglige, l’oublie, le perd… Que de symboles!

Norouz est un autre symbole. D’origine non mulsumane, cette fête n’a-t-elle pas été combattue - en vain - par le régime des Mollah? La choisir comme toile de fond pour ce film intimiste rappelle la résistance et la volonté de vivre que manifeste constamment la population iranienne. Celle-ci est représentée ici par les personnages énervés de ce scénario, agités par leur vie ratée, par leurs sentiments détruits, ou au contraire par leur bonheur tout neuf.

Farhadi montre de petits faits, des anecdotes qui prennent tout leur sens comme descriptifs des caractères. Sa caméra oblige le spectateur à vivre ces disputes comme s’il en était le témoin impuissant. Elle suit les protagonistes de très près, multiplie les gros plans de visages - celui des femmes surtout - et les sentiments qu’ils trahissent. Celui, dramatique de Mozhde, ourlé d’un voile noir; celui mélancolique et presque apaisé de Simin, sous son foulard en couleurs. Et bien sûr le visage heureux de Roohi, jeune femme encore candide au point d’en perdre son tchador. On pourrait presque y voir les étapes de la vie conjugale.

Les images de l’extérieur sont rares mais tout aussi significatives. Comme ces vues en plongée sur un urbanisme bétonné et sans âme. Et surtout lors d’une incursion nocturne à travers la fête, plongée inquiétante dans une nuit qui éclate sous les explosions de pétards. Incertaine, dangereuse peut-être, cette nuit de réjouissances schématise les tensions quotidiennes qui paralysent les Iraniens. Entre l’atmosphère extérieure et le bouillonnement intérieur, la relation est étroite. Farhadi en fait une analyse remarquable, exemplaire. Dans ce film comme dans ceux qui suivront: A propos d’Elly (2009), Une séparation (2011), ou encore Le Client (2016).

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 18