Careless Crime

Affiche Careless Crime
Réalisé par Shahram Mokri
Titre original JENAYAT-E BI DEGHAT
Pays de production Iran
Année 2020
Durée
Musique Ehsan Sedigh
Genre Comédie dramatique
Distributeur Trigon
Acteurs Behzad Dorani, Babak Karimi, Razie Mansori, Abolfazl Kahani, Mohamad Sareban, Adel Yaraghi
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 864

Critique

Le réalisateur iranien Shahram Mokri revient avec son nouveau chef-d’œuvre, un conte riche en strates temporelles et en mises en abyme sur l’histoire moderne de l’Iran, de la révolution en temps de tyrannie, et du cinéma.

Dans un cinéma populaire, des employés discutent de comment optimiser l’espace entre les sièges pour avoir un maximum de spectateurs tout en respectant les régulations mises en place depuis les quarante dernières années. Ailleurs, quatre pyromanes décident de mettre le feu à un cinéma - un hobby - tout en évitant de blesser quiconque. L’un d’eux, Takbali (Abolfazl Kahani) se rend d’abord en ville en quête d’un médicament rare et interdit. Sa petite quête l’amène dans un musée qui consacre une exposition à la révolution iranienne. Une guide explique qu’il y a quarante ans, le soulèvement populaire allait renverser le pouvoir tyrannique du shah; mais les salles de cinéma, un symbole du monde occidental qui était alors un allié du gouvernement iranien, furent dans la même foulée visées par des actes terroristes. Un incendie en particulier causa la mort de 478 victimes, notamment en raison du laxisme envers les règles de sécurité de la part des exploitants de la salle. Takbali, galvanisé par cette information, jette alors son dévolu sur le cinéma de l’introduction. Or celui-ci prévoit ce jour-même de projeter un film iranien, Careless Crime, que des étudiants en cinéma dont nous suivons les badinages comptent bien aller regarder. L’histoire semble alors dangereusement se répéter lorsque les quatre complices se rendent sur les lieux.

Shahram Mokri est un adepte des films à strates multiples. Ses films Fish & Cat (2013) et Invasion (2017) étaient construits comme un seul plan-séquence dans lequel une boucle temporelle unique était revisitée plusieurs fois par la caméra en mouvement, faisant ainsi parcourir au spectateur toutes ses possibilités narratives. Mokri reprend ce principe pour son dernier film, mais décide cette fois de ne pas recourir au plan-séquence. À sa place, la caméra suit trois groupes de personnages - les employés de cinéma, les pyromanes, les étudiants - et la manière dont leurs actions durant une journée s’entrecroisent et s’influencent de façon quasiment prédestinée.

Ce dispositif narratif, au premier abord intellectuel, est complexe sans être compliqué. Mokri est un conteur d’histoires, et ses histoires sont toujours simples à saisir, telles des fables. Celle de Careless Crime est somme toute limpide. Mais si la forme est aussi recherchée, c’est que Mokri et sa scénariste de longue date Nasim Ahmadpour veulent créer des films où les différents espace-temps - ceux de l’Histoire, ceux des individus, ceux des images - se superposent, rentrent en écho. Les événements du passé donnent irrémédiablement forme à ceux du présent. À la manière des boucles de ses deux opus précédents, Careless Crime nous présente un puzzle dont les pièces sont éparpillées au travers de présents multiples et des mythologies qui les alimentent.

La clé de lecture ultime nous est peut-être donnée dans le film que vont voir les étudiants, Careless Crime, qui fonctionne comme le film dans le film. Il y est question d’un groupe de militaires bloqués en pleine campagne après avoir découvert un fort ancien missile qui n’a pas explosé. Ils trouvent refuge auprès d’un groupe de jeunes qui organisent un festival de cinéma près d’une source d’eau aux propriétés mystérieuses. Un militaire en particulier, Mohsen (Babak Karimi) découvre la maison d’une femme capable d’exaucer les souhaits les plus profonds. Le soir même, Mohsen voit son souhait exaucé sous la forme d’un étrange colis qui lui parvient dans l’eau, en même temps qu’il voit dans le ciel tomber le missile qu’il avait découvert la veille. La boucle est ainsi bouclée.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 18
Sabrina Schwob 17