Notturno

Affiche Notturno
Réalisé par Gianfranco Rosi
Titre original Notturno
Pays de production Italie, France, Allemagne
Année 2020
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Xenix
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 863

Critique

Gianfranco Rosi tourne son regard vers le Moyen-Orient pour donner une voix et une visibilité aux oubliés, ceux qui souffrent en silence. Sans faire abstraction de la guerre, il se focalise pourtant sur ses temps morts et ses conséquences dans une œuvre dont la beauté et la tendresse n’en soulignent que mieux l’horreur.

Une obscurité silencieuse, destructrice et dénuée d’espoir semble accompagner les habitants aux frontières de l’Irak, du Kurdistan, de la Syrie et du Liban. C’est là que le cinéaste décide de tourner pendant trois ans, après avoir notamment filmé l’existence de ceux qui vivent en périphérie de l’autoroute encerclant Rome (Sacro GRA, 2013), puis la vie à Lampedusa, aussi bien des pêcheurs que des migrants (Fuocoammare, 2016).

Des plans fixes, composés minutieusement, saisissent avec une tendresse et un respect infinis les protagonistes, qu’ils soient chiites, alaouites, sunnites, yézidis ou Kurdes. Après un plan d’ouverture de nuit sur des militaires en plein exercice, nous accompagnons un groupe de femmes dans une ancienne prison. L’une restera plus longtemps que les autres, dans la cellule de son fils, mort torturé. En caressant les murs avec douceur, c’est sa présence qu’elle cherche à sentir.

Jamais le film ne nous entraînera sur les zones de combat. En effet, à travers la télévision qui diffuse des séquences d’explosions, de militaires en pleine action avec une musique grandiloquente, nous est discrètement signalé ce que ce documentaire n’est pas: un film spectaculaire sur la guerre.

Au contraire, elle apparaît en toile de fond, comme un donné auquel on ne peut se soustraire, avec lequel il faut vivre. Son omniprésence s’exprime aussi bien par le bruit des tirs que dans le récit d’enfants. Plusieurs témoignent de ce qu’ils ont vécu: par des dessins notamment, tous sanguinaires.

Les temps morts d’êtres humains sont ainsi retenus. Il y a ceux des enfants, des personnes d’un asile répétant leur texte pour une pièce sur la guerre, d’un chasseur de canards, d’un soldat kurde, des femmes militaires ou d’une famille au moment de se mettre au lit… Leurs gestes sont mis au centre des plans, tel celui du chasseur qui, avant de s’embarquer sur une pirogue, fait habilement glisser l’eau en dehors de sa botte. Étonnamment, l’attention extrême portée à la composition des plans et à la couleur ne nous fait jamais oublier la réalité dépeinte. De la même manière que le chasseur qui marque sa trajectoire sur l’eau au crépuscule en éloignant le pollen, Gianfranco Rosi met en lumière, au milieu des ténèbres, la force et la bravoure de ces victimes.


Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 18