Sœurs

Affiche Sœurs
Réalisé par Yamina Benguigui
Titre original Sœurs
Pays de production France
Année 2020
Durée
Musique Amine Bouhafa
Genre Drame
Distributeur Frenetic
Acteurs Isabelle Adjani, Rachida Brakni, Rachid Djaïdani, Hafsia Herzi, Maïwenn, Faïza Guène
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 858
Bande annonce (Allociné)

Critique

Dans une émouvante quête identitaire, trois sœurs franco-algériennes sont amenées à retrouver leurs racines et à faire face à leur douloureuse histoire.

Ce film marque le retour de la cinéaste Yamina Benguigui, ancienne ministre déléguée de la Francophonie du gouvernement français. La réalisatrice de Inch’allah dimanche (2001) s’est inspirée de sa propre histoire et a bénéficié d’un très beau casting pour nous plonger au cœur d’une famille monoparentale amputée de l’un de ses membres. Aussi a-t-elle tourné dans sa ville d’enfance, Saint-Quentin et partiellement en Algérie où se lève le vent de la révolution.

Trente ans plus tôt, les parents algériens de Zorah (Isabelle Adjani), Norah (Maïwenn) et Djamila (Rachida Brakni) ont divorcé. Et leur père a ramené avec lui, de France au pays, ses deux plus jeunes enfants, Norah et le petit frère Redah. Or, cet acte n’est pas considéré comme un enlèvement par les autorités algériennes, à cause d’une loi qui place le père en tant que seul décideur du bien des enfants. Si Norah a pu revenir quelque temps plus tard chez sa mère, Redah a tout simplement disparu, en générant une douleur indicible et insurmontable pour sa mère et ses trois sœurs. Ces dernières, en apprenant aujourd’hui que leur père est mourant suite à un AVC, décident d’aller le revoir une dernière fois dans l’espoir qu’il leur révèle ce qu’est devenu leur frère.

Or cette quête intervient au moment même où Zorah termine l’écriture et la mise en scène d’une pièce de théâtre racontant leur histoire. Et bien sûr, cette réalisation réveille bien des douleurs et suscite la colère de leur mère. Autant dire que cet aspect du scénario ajoute encore bien des questions, cette fois-ci relatives à l’autofiction, au théâtre et à la réalité qu'il met en forme, ce qu’Asghar Farhadi avait déjà magistralement proposé avec Le Client (2016). Et comme si tout cela ne suffisait pas, voilà les trois sœurs parties pour l’Algérie en pleine effervescence.

Le film scrute donc les traumatismes familiaux, y compris leurs délicates reprises artistiques, tout en accordant une place au politique et à ses enjeux, principalement dans la seconde partie où les trois sœurs tentent de visiter leur père hospitalisé au milieu d’une ville perturbée par les manifestations contre l’actuel gouvernement. Du coup, le drame des sœurs se voit fort relativisé et presque noyé au sein d’Algériennes et d’Algériens désireux de changements en profondeur.

Zorah, Norah et Djamila sont-elles encore algériennes? Sont-elles devenues françaises? Quels sont les critères permettant de répondre à cette question qui se pose à l’occasion de leur visite en Algérie, mais également lorsqu’elles vivent en France et que certains regards les traversent et les jugent.

Yamina Benguigui soulève donc bien des questions en suivant trois femmes - sans compter leur mère - dissemblables et unies par une douleur qui ne passe pas. Son long métrage désire analyser les blessures intérieures tout autant qu’extérieures, et c’est peut-être trop, l’introspection ne faisant pas facilement bon ménage avec l’analyse politique. Toutefois, le propos est d’importance tant il rejoint beaucoup d’hommes et de femmes riches d’une double culture, mais pris bien souvent dans des conflits de loyauté identitaire. D’ailleurs, si la réalisatrice a titré son film Sœurs, c’est, dit-elle, pour souligner «ce lien viscéral qui nous arrache à notre histoire individuelle, ce lien qui nous ramène à notre histoire commune. Sœurs c’est aussi le lien de fraternité entre toutes les femmes.»

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 15