Dans la ville blanche

Affiche Dans la ville blanche
Réalisé par Alain Tanner
Titre original Dans la ville blanche
Pays de production Suisse, Portugal, Grande-Bretagne
Année 1982
Durée
Musique Jean-Luc Barbier
Genre Comédie dramatique
Distributeur filmingo
Acteurs Bruno Ganz, Teresa Madruga, Julia Vonderlin, Francisco Baiao, José Wallenstein, Victor Costa
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 854

Critique

Ce film marque la rencontre heureuse entre le réalisateur Alain Tanner et le comédien Bruno Ganz. Les deux Suisses y donnent une image captivante de Lisbonne, image vécue ou rêvée selon ce qu’en fait Paul en essayant de s’y perdre.

Bruno Ganz, disparu il y a un peu plus de deux ans, aurait eu 80 ans en mars dernier. Dans ce beau film d’Alain Tanner, il en a 42, est marin et s’appelle Paul. Celui-ci dira dans une jolie séquence, «Mon pays préféré, c’est la mer». Il n’empêche qu’en Suisse, où il vit entre ses voyages, sa femme (Julia Vonderlinn) attend son retour. Pour l’instant, Paul vient de quitter son bateau lors d’une brève escale au Portugal. Là se trouve une autre femme, Rosa (Teresa Madruga) qu’il rencontre dans la petite pension où il s’arrête. Et voilà qu’entre ces deux pays et la mer, Paul ne sait plus très bien où il vit, où il veut vivre; lui qui passe de port en port semble perdre son port d’attache. Son bateau repart sans lui.

Alain Tanner suit un personnage dans son errance, Paul, et filme Lisbonne, la ville à laquelle il s’accroche. Paul aussi se filme dans Lisbonne et envoie ses petites vidéos à son épouse, sa balise. Il filme aussi Rosa, son échappée. Ainsi, paradoxalement, Dans la ville blanche se présente comme une œuvre qui se referme sur elle, comme se referme sur lui le marin, mais lui c’est pour s’ouvrir à une autre ville, une autre femme et surtout à un autre soi-même.

C’est cet autre «soi-même» qui donne Lisbonne à découvrir. Les marches sans but le long des docks, dans les ruelles, les innombrables escaliers des vieux quartiers montrent une population nonchalante et un peu de son histoire, les graffitis témoins de la Révolution des œillets marquent toujours les murs (la dictature de Salazar a été renversée le 25 avril 1974). La ville s’offre tantôt pareille à un rêve très doux sur la peau, tantôt violente avec sa pauvreté à fleur de pierres. Le Tage est très présent et à peine en retrait, la mer. L’évocation du voyage est aussi, pour Paul, le rappel de son métier. Tandis que les bruits de la ville, ce bourdonnement perpétuel, tressent des liens qui rattachent le marin à la terre. A moins que ce ne soit Rosa?

Dans la ville blanche raconte le passage à vide d’un homme dans la quarantaine qui ne sait plus très bien quel est le sens de sa vie. Parce qu’il s’accorde du temps, cet homme entrevoit les possibilités d’autre chose: vivre ailleurs? vivre avec Rosa? devenir quelqu’un d’autre? éveiller celui qui, trop étouffé au fond de soi, n’a jamais pu trouver sa place? Se pose alors la question du choix, difficile ô combien!

Le film est lent et souple; son rythme suit les promenades de Paul et ses pensées. Revu quarante ans plus tard, il conserve toute sa grâce. D’autant qu’il ranime le mouvement d’un temps peut-être révolu: celui des lettres écrites au stylo sur du papier, soumises aux aléas du courrier postal pour rejoindre leur destinataire, celui des amours qui attendent la réponse, qui s’inquiètent, qui mûrissent. Ce rythme-là accompagne le rêve, mais laisse aussi les protagonistes s’abandonner à la réflexion et, qui sait, se retrouver?

Entre les ruelles et les escaliers de Lisbonne, Bruno Ganz incarne cette histoire avec ce talent qui n’a jamais cessé de se confirmer par la suite.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15