Sans signe particulier

Affiche Sans signe particulier
Réalisé par Fernanda Valadez
Titre original SIN SEÑAS PARTICULARES
Pays de production MEXIQUE
Année 2020
Durée
Musique Clarice Jensen
Genre Drame
Distributeur Trigon
Acteurs Mercedes Hernández, David Illescas, Laura Elena Ibarra
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 852

Critique

C’est un premier film et le drame qu’il raconte n’est qu’un fait divers parmi tant d’autres, identiques. Il est pourtant un exemple à suivre, tant sa sobriété et sa poésie donnent de la force à son message.

Comment arrêter un adolescent qui ne trouve pas son compte dans la pauvreté chronique de sa vie? A Guanajuato, en plein centre du Mexique, on vit chichement et l’on ne peut espérer davantage. Aussi Rigo (Armando Garcia) et Jesús (Juan Jesús Varela) ne résistent-ils pas longtemps au mirage des Etats-Unis. Ni Chuya (Laura Elena Ibarra), ni Magdalena (Mercedes Hernández) ne parviennent à les en dissuader. Des mois plus tard, ils n’ont toujours pas donné de nouvelles. Au commissariat, des photos récentes prouvent la mort de Rigo. Mais nul n’a entendu parler de Jesús. Sa mère, Magdalena, part à sa recherche à la frontière, à près d’un millier de kilomètres de là. En chemin, elle croisera Miguel (David Illescas) qui, lui, revient du Texas où il n’a pas réussi à franchir l’étape du travailleur clandestin, et a été arrêté et renvoyé dans son pays.

Après plusieurs courts métrages qui ont ponctué ses études de cinéma, Fernanda Valadez consacre son premier film à la violence et au cercle vicieux dont sont victimes ses jeunes compatriotes qui cherchent une vie meilleure. Souvent, ceux qui tentent l’émigration sont interceptés par d’autres qui ont été enrôlés, voire kidnappés, parfois par groupes entiers, par les milieux criminels. Adolescents soldats, adolescents des cartels, ils ne connaissent désormais plus rien d’autre, à moins que leur résistance ne les condamne à mort.

La réalisatrice s’est inspirée de ces faits divers tragiques. «J’ai tendance à croire que la violence entraîne la violence, que ceux qui la subissent sont plus prompts à devenir violents. C’est le caractère métaphorique de cette violence qui m’a interrogée, ce phénomène de violence dans notre pays qui me laisse sans voix. Je crois que cela révèle ce que nous sommes, nous les Mexicains, au milieu de ce chaos.»

Ce n’est donc pas un de ces drames qui secouent régulièrement le Mexique qui caractérise Sans signe particulier. Mais, corrigée par la fiction, une peinture de la société concernée, avec ses responsabilités, son indifférence et surtout son infinie douleur, celle-ci incarnée par une mère. Le rôle de Magdalena est composé de façon magistrale par Mercedes Hernández; le mélange de fatalisme et de désespoir qu’elle sait figer sur son visage, alors que toute sa personne est en mouvement, fait ressentir le poids d’une réalité immuable. Quel que soit leur courage, ceux qui souffrent sont impuissants.

Cette détresse-là, ajoutée à l’action qui se déroule en décor naturel - la plupart des scènes sont tournées dans la province de Guanajuato - donnent à ce film son caractère authentique. Il y a plus, toutefois. La réalisatrice ne se contente pas de montrer combien, au Mexique, la tragédie peut faire partie du quotidien. «Mon film est plus lyrique que naturaliste», explique-t-elle. Limitant les dialogues à l’indispensable, elle tire tout des images. L’histoire s’appuie sur des vues resserrées de paysages, des carrés d’herbes courbés par la pluie, des roseaux silencieux, mais aussi des panoramas ouverts sur l’infini et des ciels sans horizons. Ces plans s’étirent comme s’étirent les épreuves des personnages. Lesquels se reconnaissent dans cette nature opiniâtre, fidèle à elle-même. Mais sans doute cette nature est-elle aussi, à l’inverse, l’image de l’indifférence qui les entoure, des secrets qui perdurent.

Et puis, de larges portions de lacs semblent s’embrumer à travers la végétation, tourner sur eux-mêmes, se renverser; le raisonnement n’y a plus pied. Alors tout s’assombrit, la nuit vient et avec elle les flammes, les danses infernales, la silhouette du démon. Le film évolue en pleine allégorie; car comment évoquer autrement les horreurs de la violence? Et c’est bien au Mexique que Fernanda Valadez la situe en plongeant dans les rites d’une tradition selon laquelle les morts reviennent dans le monde des vivants.

Sans signe particulier est une œuvre sur le courage et la résistance. Sa beauté se donne comme un antidote à la douleur d’une mère, elle est à l’image de la compassion qui imprègne le film dans un équilibre remarquable: l’horreur, certes, mais la vie aussi, envers et contre tout.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15