Yalda, la nuit du pardon

Affiche Yalda, la nuit du pardon
Réalisé par Massoud Bakhshi
Titre original Yalda
Pays de production Iran, France, Allemagne, Suisse, Luxembourg
Année 2019
Durée
Genre Drame, Thriller
Distributeur Sister Distribution
Acteurs Behnaz Jafari, Babak Karimi, Sadaf Asgari, Fereshteh Sadre Orafaee, Forough Ghajebeglou, Arman Darvish
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 843
Bande annonce (Allociné)

Critique

Deuxième long métrage de fiction du réalisateur iranien, Yalda, la nuit du pardon dénonce le pouvoir des images, promptes à construire une version alternative des faits au service des plus puissants, à travers une émission de télé-réalité qui confronte (et confond) bourreau et victime.

La télé-réalité a toujours semblé sans limites dans son plaisir de dévoiler à une large audience ce qui révèle de l’intimité de la personne. Ce n’est donc pas pour cette raison que l’émission (fictive mais inspirée d’émissions existant véritablement en Iran) ironiquement intitulée «le plaisir du pardon» surprend. C’est bien plutôt la loi du «talion», réelle, sur laquelle elle repose qui déconcerte: une personne condamnée à mort peut convertir sa peine en années de prison, à condition que la famille de la victime veuille bien lui pardonner.

C’est le défi que devra relever Maryam, jeune femme condamnée à mort pour avoir tué un riche et vieux publicitaire avec qui elle était liée par une forme de mariage sans partage de biens ni héritage et qui dure tant que le souhaitent les amants. Les raisons de son décès: il refuse de garder le bébé à naître. C’est suite à une dispute – où il en va de la vie de l’enfant, perdu à l’accouchement – qu’il meurt. Quelques années plus tard, elle se retrouve sur le plateau de l’émission de télé-réalité avec la fille du défunt, Mona. Face à une version officielle et mensongère du crime, elle tentera de révéler la part d’ombre qui l’entoure, lors de ce (presque) huis clos, et de convaincre Mona de lui pardonner son acte.

Son espoir de survivre entre en collision avec les intérêts de chacun: désir de passer à la télé pour sa mère, dilemme pour Mona entre recevoir l’argent (le «prix du sang» que paie la condamnée si sa vie est épargnée) ou refuser de pardonner, souci pour la production que l’émission fasse de l’audience.

Le choix d’aborder certains travers de la société iranienne ainsi que la participation de l’excellente Behnaz Jafari, présente dans Trois visages de Jafar Panahi (2018), ou de Babak Karimi, aperçu dans Une séparation d’Asghar Farhadi (2011), tissent des liens entre le réalisateur de Yalda, la nuit du pardon et le cinéma social iranien. A l’auteur du Passé, il emprunte d’ailleurs une manière de construire la tension et le drame, bien que le rythme diffère.

Et si le film parvient en effet à nous tenir en haleine sans interruption, on regrette les quelques facilités auxquelles il a recours: rebondissements en coulisses, caricatures (dans le portrait de la mère notamment), explosion d’émotions sur le plateau télévisuel.

En creux se dessinent également d’autres enjeux, comme le peu d’égard accordé aux personnes de statut socio-économique défavorisé. Non seulement exprimé dans la différence de statut entre les deux femmes sur le plateau - et permettant de voir une victime derrière la criminelle -, on le retrouve également par la présence d’un homme âgé, qui ne participe aucunement à l’avancée du récit mais passe de salle en salle dans les studios de télévision pour servir le thé. Magnifiques instants, en apparence anodins, qui font coexister dans le silence et l’indifférence des plus puissants, des conditions de vie et d’existence inégales. Cette tension émerge à un autre moment très réussi du film entre Mona, enfermée dans sa voiture, et un motard en colère. Alors, les quelques imperfections relevées peuvent bien être effacées devant cette discrète solitude mise en lumière.

Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 13