Le Sel des larmes

Le dernier film du cinéaste Philippe Garrel est un drame reprenant une forme bien connue de la littérature romanesque.

Exercice de style à partir du très classique récit d’apprentissage au titre éponyme, Le Sel des larmes suit la trajectoire de Luc, un menuisier de province qui se rend à Paris pour passer le concours d’entrée d’une célèbre école d’ébénisterie. Pendant son séjour, il rencontre Djemila, avec qui il a une brève liaison avant de rentrer chez lui, où il retrouve Geneviève, un amour d’adolescence avec lequel il renoue. Accepté dans l’école de ses rêves, le jeune séducteur quitte définitivement sa campagne natale et continue son éducation sentimentale dans la capitale. Cette découverte de l’amour et du plaisir des sens se fait en parallèle d’un adieu à la figure paternelle, présence bienveillante de laquelle le fils s’éloigne inexorablement au fil de ses conquêtes.

Servi par une belle photographie en noir et blanc, le long-métrage s’appuie sur un scénario implacable qui, malgré une première demi-heure un peu poussive, parvient en fin de compte à captiver son spectateur. Les comédiens sont, quant à eux, excellents et donnent à voir une gêne, une émotion, une attirance par des gestes et des regards presque imperceptibles, et tandis que certaines scènes, notamment une rencontre en discothèque sous les stroboscopes, constituent de beaux moments de cinéma.

Toutefois, même si l’on comprend que Philippe Garrel tente de livrer un film autoréflexif visant à questionner son propre récit et les codes du roman d’apprentissage notamment par le biais d’une voix-over narrative soulignant les liens étroits que le film entretient avec une certaine tradition littéraire, l’on regrette que le sujet vu et revu du jeune ingénu provincial qui apprend les choses de la vie en arrivant en ville soit malgré tout traité avec énormément de premier degré. En définitive, Le Sel des larmes est un film qui regorge de qualités, mais qui pèche probablement par son ton qui apparaît comme bien trop dramatique, alors que la forme choisie aurait probablement besoin d’un peu d’humour pour parvenir à réellement se renouveler.