Love Me Tender

Affiche Love Me Tender
Réalisé par Klaudia Reynicke
Pays de production Suisse
Année 2019
Durée
Genre Drame
Distributeur First Hand Films
Acteurs Barbara Giordano, Gilles Privat, Antonio Bannò
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 836

Critique

Les relations sont compliquées pour Seconda, 32 ans, souffrant d’agoraphobie. Dans son huis clos, protégée par un justaucorps bleu clair, la jeune femme danse, pleure, attend, mange de la sauce tomate, mais va devoir finir par sortir… Un très beau travail de lumière éclaire une histoire touchante, étonnante, peut-être parfois un peu trop.

La réalisatrice helvético-péruvienne Klaudia Reynicke propose un second long métrage après Il Nido en 2016, qui s’intéressait également aux dynamiques familiales, avec un léger côté fantastique questionnant le réel du fantasmé. Dans Love Me Tender, le ton est donné dès le premier plan du film, fixe et latéral, dans lequel deux personnages courent chacun en direction de l’autre, depuis les côtés de l’écran, et finissent par se rencontrer au milieu du champ, lorsque l’enfant heurte l’adulte. Le premier tombe par terre en poussant un cri à moitié de douleur, à moitié de lutte. Ce sont ces chocs humains, parfois volontaires et souvent indésirables, et les défis que ceux-ci supposent, qui sont montrés à travers les yeux de Seconda (Barbara Giordano). Son regard semble voir au-delà des corps humains, y déceler un langage que peu partagent, celui du corps dans son essence primitive.

Cette spontanéité corporelle s’incarne dans des scènes de danse aussi impromptues que saugrenues. Emportée par «Viene de Mi» de La Yegros, la protagoniste entame une chorégraphie en frappant son propre corps alors que son père garde les yeux rivés sur des femmes en justaucorps faisant de l’exercice à la télévision. Bercée par la lancinante «Passacaglia della vita», Seconda se lance dans une sorte de danse macabre en pensant à sa mère et semble donner vie à ses pensées par des gestes inattendus. Protégée par sa combinaison turquoise, comme une seconde peau, la jeune femme serre les ficelles de son capuchon lorsqu’elle se lance dans une première sortie à l’extérieur de sa maison. Les passants perdent leur contenance, effrayés ou moqueurs, ils réagissent à sa présence dans l’espace publique.

À la manière d’un rapace auquel on aurait volé ses ailes, Seconda choisit sa proie, prend une décision et s’y tient, quelles qu’en soient les conséquences. Les dialogues courts et rares font la part belle au silence, à une lumière très travaillée, particulièrement dans les plans de forêt vers les trois quarts du film. Vers la fin, la scène du bouquet en feu et celle de la danse à l’hôpital prend des airs lynchiens de Twin Peaks. La bande-son vibrante accompagne les méandres de cette créature à bizarrerie variable dans un monde peu ouvert à la différence. Sauf le chat, Minou, qui mange tranquillement ses croquettes, même lorsque Seconda les lui crache dessus. Ça, c’est de la tolérance.

Camille Mottier

Appréciations

Nom Notes
Camille Mottier 15