Pauline et Paulette

"L'émotion est en grande vogue. Mais pour comprendre vraiment ce qu'émotion veut dire, il faut voir ce film belge tout en délicatesse, qui ose peindre là où la société contemporaine se détourne, devant le troisième âge et le handicap.

Pauline est une attardée mentale comme on disait naguère. Elle ne sait ni lire, ni écrire, mais elle sait aimer. Elle aime les fleurs. Et elle aime sa soeur Paulette, chez qui il y a beaucoup de fleurs. Outre son grand jardin, Paulette possède une mercerie, des rubans, des tissus aux belles couleurs, qu'elle emballe dans un papier décoré de roses rouges. Pauline vit chez Martha, alors qu'une quatrième soeur habite Bruxelles. Toutes ont dépassé l'âge de la retraite. Lorsque Martha meurt, le notaire dévoile son testament. Sa maison et sa fortune reviendront à Cécile et Paulette, à condition que l'une des deux héberge Pauline. Les deux intéressées veulent bien de l'héritage, mais s'occuper de Pauline leur paraît impossible. Quant à Pauline, son choix est fait, elle veut vivre avec Paulette. Comment convaincre cette dernière de l'aimer?

Ce scénario est basé sur un souvenir d'enfance de Lieven Debrauwer. S'il a quelque chose de spectaculaire, c'est qu'il est fait de rien. Ou plutôt d'aucun des ingrédients qui composent l'immense majorité des productions cinématographiques de ces dernières années. On peut bien chercher l'action, le sexe, la violence et l'amour. Ils sont absents. PAULINE ET PAULETTE est une histoire ordinaire, à laquelle la sensibilité du réalisateur donne une résonance extraordinaire. Il s'en explique. ""Je sens un manque de tendresse, d'affection, d'attention, de subtilité, de nuances, de raffinement dans la culture visuelle contemporaine. On peut crier cela sur les toits. On peut aussi simplement, calmement, aller s'asseoir derrière sa table d'écriture pour ensuite, avec le scénario, passer derrière la caméra.""

Lieven Debrauwer a trouvé des actrices formidables. Dora van der Groen donne de Pauline une image retenue, discrète, sans grimaces ni misérabilisme. Ann Petersen, fait de Paulette une commerçante aisée et cultivée, qui laisse poindre très finement la tendresse derrière l'agacement. Il n'y a jamais de pathos, jamais d'éclats, jamais d'idées reçues. Les images en disent plus long que les dialogues et le montage suffit à suggérer l'évolution des sentiments. Rythmée par la Valse des Fleurs de Tchaikovski, Pauline arrosant ses massifs donne le ton du conte à cet enchantement. Le film y gagne une valeur symbolique et une portée universelle. Premier long métrage de Lieven Debrauwer, PAULINE ET PAULETTE est un petit bijou, qui réussit par la seule qualité du regard, ce que l'industrie du cinéma ne sait offrir ni avec ses gesticulations, ni avec ses carnets de chèques.





Lieven Debrauwer



Cinéaste belge né en 1969, Lieven Debrauwer suit des cours de photographie et de cinéma avant de réaliser, entre 1987 et 1999, une dizaine de courts métrages. Présenté au Festival de Cannes en 2001, dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs, son premier long métrage, PAULINE ET PAULETTE, obtient le Grand Prix du Public-Forum, ainsi qu'une mention spéciale du Jury oecuménique."