It Must Be Heaven

Affiche It Must Be Heaven
Réalisé par Elia Suleiman
Titre original It Must Be Heaven
Pays de production Qatar, Allemagne, Canada, Turquie, Palestine
Année 2019
Durée
Genre Comédie, Drame
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Gael García Bernal, Ali Suliman, Elia Suleiman, Yasmine Haj, Tarik Kopty, Kareem Ghneim
Age légal 8 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 825
Bande annonce (Allociné)

Critique

Mention spéciale à Cannes
En Tati palestinien, Suleiman use autant de poésie mélancolique que d’humour cartoonesque pour nous servir une œuvre dont le charme n’a d’égal que la colère.

It Must Be Heaven raconte l’exil d’un cinéaste qui ne reconnaît plus sa Palestine. Un pays rongé par la violence et le ressentiment peut-il porter son cinéma? C’est une des questions que pose le film. Si la Palestine est d’abord une sorte d’enfer, c’est qu’un paradis doit nécessairement exister ailleurs. Cet ailleurs, c’est Paris. Puis New York. Deux villes que le cinéaste sillonne à la recherche de fonds pour produire son nouveau film. La mise en abîme est totale. Le plaisir aussi.

En cinéaste errant, Suleiman assoit sa position d’observateur social: systématiquement au centre d’un cadre étiré dans sa largeur, le réalisateur, le visage fermé à la Keaton, regarde le monde en contrechamp. Ce qui imprime son regard, c’est un Paris que l’on n’avait jamais vu filmé de cette manière. Jamais, Paris n’a semblé si désert, si dérisoire, si surveillé. Car la police est partout, quasi dans chaque plan, quasi dans chaque idée de mise en scène. Exemple. Depuis sa fenêtre, Suleiman capture, en plan oblique, un ballet improvisé par trois policiers sur leurs gyroroues. Le son se subordonne aux mouvements des véhicules. La scène est hilarante, la critique virulente. Le cinéaste répond à l’absurdité du monde moderne par une élégance inégalable.

Mais plus qu’une réponse, Suleiman, avec It Must Be Heaven, pose un diagnostic de ce Paris qu’il connaît bien: c’est une ville malade dont l’omniprésence policière ne traduit qu’une seule chose: la peur. L’espace public est suroccupé par la police, et cette occupation est maladive: elle reflète bien plus un sentiment de peur qu’un sentiment sécuritaire. Depuis Foucault, on le sait bien: la surprésence policière dans l’espace public fabrique plus de violence qu’elle n’en déjoue en réalité. Son hypervisibilité dans It Must Be Heaven est d’ailleurs rendue d’autant plus ridicule que sa contestation est invisible. La police est partout, les individus nulle part. Le luxe est affiché, la misère cachée. Le paradis est cauchemardesque, le cauchemar paradisiaque.

Car It Must Be Heaven peut également être lu comme un film sur l’exil, sur la recherche de sa place dans le monde. Si Suleiman semble trouver la sienne, nous, spectateurs de son film, nous nous confortons dans nos sièges devant sa dernière merveille. Ce grand cinéaste du cadre revient, dix ans après son dernier film, avec une œuvre poétique. Mais dans It Must Be Heaven, la poésie se donne en coup de poing. Plus c’est charmant, plus ça fait mal - et plus ça fait mal, plus ça fait du bien. Et pour répondre à la question inauguralement formulée: parfois, c’est quand une société va mal que son cinéma se porte le mieux.

Kevin Pereira

Appréciations

Nom Notes
Kevin Pereira 17
Georges Blanc 12
Serge Molla 17
Sabrina Schwob 18
Anthony Bekirov 17
Camille Mottier 15