Compañeros

Affiche Compañeros
Réalisé par Alvaro Brechner
Titre original La Noche de 12 Años
Pays de production Uruguay, Espagne, France, Argentine
Année 2018
Durée
Musique Federico Jusid, Silvia Pérez Cruz
Genre Biopic, Aventure, Drame
Distributeur Trigon-film
Acteurs Soledad Villamil, Antonio de la Torre, César Troncoso, Chino Darín, Alfonso Tort, Silvia Pérez Cruz
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 810
Bande annonce (Allociné)

Critique

Prix spécial du Jury, Prix du Public et Prix du Jury œcuménique au FIFF

On se rappelle que dans les années 70/80 l’Amérique latine a connu plusieurs coups d’Etat militaires: le colonel Hugo Banzer prend le pouvoir en Bolivie; au Chili c’est Pinochet qui élimine Salvador Allende; en Argentine Isabel Perón est évincée au profit de la junte militaire de Jorge Rafael Videla. On connaît moins peut-être ce qui s’est passé en Uruguay, entre 1973 et 1985: le film d’Alvaro Brechner est là pour nous rappeler les luttes entre les Tupamaros (mouvement d’extrême gauche) et l’armée qui a pris le pouvoir. La Nuit de 12 années, c’est celle de trois anciens Tupamaros arrêtés par le régime militaire et maltraités pendant leur longue période d’incarcération de douze ans.

Le film démarre donc en 1973, avec l’emprisonnement de José «Pepe» Mujica (Antonio de la Torre), Mauricio Rosencof (Chino Darín) et Eleuterio Fernández Huidobro (Alfonso Tort). Dans la description de leurs existences torturées, le cinéaste a fait le choix d’un réalisme précis et cruel. Les images permettent de sonder l’intérieur profond des condamnés, dans leur délabrement physique et mental. En suivant cette détérioration permanente tout au long de cette douzaine années, on a l’impression qu’ils ne pourront jamais tenir le coup. Et pourtant… On l’a compris, le film ne cherche aucun suspense, aucune émotion gratuite. Devant le tableau de cette terrible déchéance programmée, le spectateur, fortement impliqué, peine parfois à distinguer les identités des trois forçats tant ils se métamorphosent physiquement.

Les trois Tupamaros passeront tout leur temps dans un isolement individuel quasi complet, dans diverses prisons du pays. Les ordres militaires étaient clairs: «Comme on ne doit pas les tuer, rendez-les fous!» Têtes dans des sacs, corps ligotés, sous-alimentés, les trois «compañeros» survivront jusqu’au retour de la démocratie: le message du film est ainsi teinté - paradoxalement - d’optimisme, les images renvoyant à une forme de résistance et de dignité humaine.

On regrettera peut-être de ne pas disposer de plus de détails sur les tenants et les aboutissants de l’«événement» ainsi décrit (l’incarcération). Quels sont, avant 1973, les antécédents des trois personnages (politiques) du film? D’où viennent-ils et qu’ont-ils vécu? Que deviendront-ils après leur libération en 1985? Seul un petit insert final nous apprendra que l’un d’eux, José Mujica, deviendra par la suite président de l’Uruguay, de 2009 à 2015. Mais il n’y a pas d’images sur la période qui suit 1983: le cinéaste a privilégié une autre approche, celle, plus universelle sans doute, de la description de la survie exceptionnelle de trois hommes hors du commun, soumis aux pires humiliations, mais qui ont su faire face.

Le film d’Álvaro Brechner vient d’être présenté en compétition à Fribourg (FIFF). A noter enfin que le cinéaste s’est inspiré des récits des trois «protagonistes», Mauricio Rosencof et Eleuterio Fernández Huidobro ayant par ailleurs publié en 1987 un livre racontant leurs conditions de détention (Memorias del calabozo, Mémoires du cachot).


Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 15
Georges Blanc 12