Ága

Affiche Ága
Réalisé par Milko Lazarov
Titre original Ága
Pays de production Bulgarie, Allemagne, France
Année 2018
Durée
Musique Penka Kouneva
Genre Drame
Distributeur Trigon-film
Acteurs Mikhail Aprosimov, Feodosia Ivanova, Galina Tikhonova, Sergei Egorov, Afanasiy Kylaev
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 804
Bande annonce (Allociné)

Critique

Optant pour une esthétique contemplative et d’une grande pudeur, le réalisateur Milko Lazarov signe une œuvre poignante révélant le drame dans un quotidien qui en semble dénué.

Outre le nom du protagoniste masculin de Ága, Nanook (Mikhail Aprosimov), et la Sibérie qui sert de décor à l’histoire, un hommage est rendu à Nanouk l’Esquimau de Robert Flaherty (1922), considéré de manière anachronique comme le premier documentaire de l’histoire du cinéma, par son jeu entre factualité et fiction. En effet, si les personnages sont interprétés dans ce cas par des professionnels, les trente premières minutes de l’œuvre ne laissent deviner aucune narration particulière. La caméra saisit dans des plans d’ensemble fixes la beauté froide et glaciale des paysages qui semblent se répéter à l’identique, sans cesse, quoique des nuances apparaissent selon l’heure du jour, les variations météorologiques. De la même manière, c’est avec subtilité que le quotidien de Nanook, qui chaque jour s’en va pêcher le poisson tandis que sa femme Sedna (Feodosia Ivanova) tanne des peaux de bêtes et entretient un intérieur domestique des plus sobres, se pare d’informations nouvelles, donnant une cohésion à la pluralité disparate des discussions et dévoilant l’intrigue d’Ága.

C’est alors qu’un second hommage, plus discret, à Yasujirõ Ozu apparaît, en établissant une distinction générationnelle, avec pudeur et contenance, entre des parents épousant un mode de vie plus traditionnel, tandis que les enfants, eux, ont choisi de quitter le domicile familial, dressé au milieu de nulle part, pour la ville et les promesses de bonheur qu’elle contient. Mais ici, pas de tension apparente, les parents garderont au fond d’eux les rancunes causées par cet abandon, et les enfants resteront essentiellement hors champ.

Une certaine mélancolie habite les plans qui représentent les gestes, les coutumes, le travail manuel de traditions ancestrales, vouées à disparaître, comme le climat spécifique de ce lieu, que le printemps surgissant toujours plus tôt balaie peu à peu.

Le merveilleux émerge aux yeux du spectateur de par la nécessité des personnages de palier à l’ennui en inventant le quotidien, en se construisant un futur qui n’adviendra jamais ou en utilisant fictivement des objets, comme Sedna qui guette l’arrivée de son mari avec des jumelles inexistantes.

Parallèlement, le public est invité lui aussi à construire le sens de ce qui est représenté, en imaginant ce que l’image dissimule. Plusieurs interrogations restent effectivement sans réponse, mais surtout, les personnages partagent très peu leur ressenti. L’émotion en est d’autant plus vive qu’une sobriété de surface s'en réfère à des sentiments cachés, notamment lors du surgissement d’un drame inattendu, que le spectateur suppose nécessairement sans le voir. On ne peut alors que s’enthousiasmer face à une telle œuvre qui tente d’appréhender l’altérité tout en nous montrant, paradoxalement, qu’elle ne peut être saisie telle quelle. Par notre imagination, nous tentons alors de combler ce hiatus.


Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 18
Georges Blanc 16