La Séparation des traces

Affiche La Séparation des traces
Réalisé par Francis Reusser
Pays de production Suisse
Année 2018
Durée
Genre Récit autobiographique
Distributeur First Hand Films
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 802

Critique

Avec Seuls (1981), le réalisateur vaudois Francis Reusser parlait déjà de son expérience professionnelle et se livrait à une sorte d’auto-analyse, personnelle et sincère. Dans La Séparation des traces, il nous propose un réexamen de son passé sous la forme d’un récit qui s’aventure sur plusieurs pistes.

Le réalisateur (une dizaine de films depuis 1966, dont plusieurs pour la TV) transporte le spectateur dans l’espace, dans les paysages alpins de son enfance, les rues des villes où il a tourné certaines séquences de ses films, à pied, en voiture, en train ou en bateau. Un voyage dans le temps aussi, depuis sa naissance en 1942 jusqu’à nos jours, en suivant sa mémoire cinéphilique et son imagination. Un témoignage de son expérience, de ses questionnements, à travers une nouvelle introspection.

Le cinéaste accompagne La Séparation des traces de sa propre voix (off) et de ses commentaires - un dialogue avec lui-même, intéressant, mais par moments un peu banal aussi, ou alors trop littéraire et envahissant. Mêlant des images d’archives ou de vieilles photos de famille aux séquences de ses films, Reusser pilote sa narration en collaboration avec son fils Jean, lui-même monteur de La Séparation des traces et de plusieurs autres réalisations de son père.

 Ce carnet de voyage intérieur est intéressant, déroutant même. L’œuvre échappe à l’exégèse. L’émotion affleure ici ou là: Reusser parle de ses parents, de sa mère disparue quand il avait 2 ans, de son père remarié et décédé lorsqu’il en avait 13. Une enfance qui l’a profondément marqué. Dans ce retour complet sur soi-même il n’y a guère de distinction entre les traces de sa vie personnelle et celles de son métier de cinéaste: Reusser joue le jeu difficile de celui qui regarde le monde, qui le critique par moments, et le jeu de celui qui est regardé par les autres qui le jugent à leur tour. On connaît ses positions souvent intransigeantes et entières, son engagement de toujours (il était révolutionnaire à 20 ans) et sa façon d’égratigner le bourgeois.

 On aurait certes pu imaginer - pour venir en aide aux spectateurs qui n’ont pas tous en mémoire les détails de ses longs métrages - quelques sous-titres explicatifs ou allusifs, quelques renvois à tel ou tel titre de film, à tel ou tel nom d’acteur ou d’actrice. Si la démarche autobiographique est constamment présente, certaines séquences de son œuvre cinématographique risquent - privées de leur contexte - de prendre le spectateur au dépourvu. Son fils Jean surgit dans l’évocation de la vie de son père, mais on aurait souhaité l’entendre davantage, connaître son avis, découvrir d’autres traces…

 Reste un film original, une œuvre singulière et fragile qui touche par la qualité des images et de la bande-son, par la présence d’un personnage hors du commun, par le regard critique qu’il porte sur notre monde et son humanité (ou son absence…), sur l’existence et le vieillissement. A plus de 75 ans Reusser déclare que «la vieillesse rend difficile d’entreprendre, mais non de désirer, ni de se faire désirer»: La Séparation des traces est là pour le confirmer.


Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 14