The Guilty

Affiche The Guilty
Réalisé par Gustav Möller
Titre original Den skyldige
Pays de production Danemark
Année 2018
Durée
Musique Carl Coleman (II), Caspar Hesselager
Genre Thriller
Distributeur Elite
Acteurs Jakob Cedergren, Morten Suurballe, Jakob Ulrik Lohmann, Laura Bro, Peter Christoffersen, Jessica Dinnage
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 798
Bande annonce (Allociné)

Critique

The Guilty est le premier long métrage de Gustav Möller, réalisateur danois né en Suède il y a 30 ans. Le coup d’essai est remarquable par son audace formelle, mais aussi par le trouble qu’il impose au spectateur.

Asger travaille de nuit à la centrale téléphonique d’un commissariat. Voilà qu’arrive l’appel désespéré d’une femme qui s’exprime à mots couverts depuis un véhicule; elle semble être victime d’un enlèvement. Le policier met en route le dispositif d’urgence, tout en cherchant à en savoir plus afin de la localiser. Sa propre situation, à peine esquissée, finira par se lier intimement au drame.

 Le réalisateur s’est inspiré d’une scène semblable à laquelle il a assisté dans un service d’urgences de la police. «J’ai été intrigué par le suspense de l’appel, explique-t-il au quotidien français La Croix. Je l’avais seulement entendu et c’était comme si j’avais pu voir ce qui se passait. Je crois que les images les plus fortes d’un film sont celles qu’on ne voit pas.» L’exercice de style mis en scène par Gustav Möller se construit selon la règle du théâtre classique: unité de lieu, d’action, de temps. Le lieu ne change jamais; la caméra filme la centrale téléphonique en serrant le cadre sur le policier. Elle ne s’octroie aucun écart. On ne voit jamais les personnages qui sont à l’autre bout du fil, ni la voiture du délit, ni les interventions de la police, ni le moindre détail du drame. Il s’agit donc d’une tragédie sans action visible, à l’inverse du film policier ordinaire. L’intrigue se déroule hors champ, enfermée dans les dialogues. Asger s’y voue totalement, cherchant à repérer la femme en détresse, mais dans une économie de moyens exemplaire puisqu’il n’a que son téléphone et son ordinateur pour agir.

Le temps, presque en durée réelle, se fond dans le déroulé de l’événement. Les instants d’attente paraissent interminables, puis les événements se bousculent avant de s’évanouir dans une nouvelle interruption. Le temps du film est aussi ce moment très propice à l’angoisse qu’est la nuit. Le spectateur ne voit donc qu’un même décor et qu’un même visage, celui d’Asger. Les autres policiers sont en retrait. Il n’empêche que la tension est extrême. Car, si les images varient à peine, la bande-son est explicite comme rarement au cinéma. Elle concrétise l’action, épaissit l’ambiance extérieure en apportant des bruits de pas, de moteur, des portes qui claquent, une forte pluie… De même l’obscurité n’est signifiée que par les propos échangés au téléphone, comme «tu devrais rentrer et dormir».

 Et puis il y a les voix de personnages dont les timbres distincts révèlent des états émotifs parfois extrêmes. Ainsi est constamment sollicitée l’attention du public; son imagination en alerte, guidée par Asger (Jakob Cedergren qui l’incarne est excellent), comble immédiatement le manque d’images concrètes.

C’est cette sollicitation intense qui donne sa richesse au film. Suspendu à chaque mot du policier et de ses interlocuteurs, le spectateur est entraîné sur la même piste et s’y trouve piégé. Voici venu le temps de l’autocritique: n’est-il pas trop facile d’accuser, ne le fait-on pas toujours trop vite et sans preuves? Ainsi ce qui apparaissait d’abord comme un simple exercice de style se révèle-t-il être une réflexion grave sur le jugement. On n’y échappe pas, le film l’impose sans commentaire, par sa seule habileté formelle. Voilà une réussite remarquable. On se réjouit de voir comment Gustav Möller enchaînera son deuxième long métrage.


Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15