Bombón (el perro)

Affiche Bombón (el perro)
Réalisé par Carlos Sorin
Pays de production Argentine, Espagne
Année 2004
Durée
Musique Nicolás Sorin
Genre Comédie dramatique
Distributeur TFM Distribution
Acteurs Juan Villegas, Walter Donado, Micol Estevez, Pascual Condito, Claudina Fazzini
N° cinéfeuilles 515
Bande annonce (Allociné)

Critique

"BOMBÓN (EL PERRO), c'est l'histoire simple d'un homme, de son chien et de ses rêves. Beaucoup de tendresse dans ce film qui se présente comme un petit road movie argentin, une œuvre précieuse, pleine de tendresse et d'émotions.



Après HISTORIAS MINIMAS (2002), le réalisateur argentin Carlos Sorin revient sur nos écrans avec un quatrième long métrage, une nouvelle ""historia minima"". Une seule histoire cette fois - son film précédent faisait se côtoyer trois protagonistes qui cherchaient à briser leur solitude et qui voyaient leurs existences s'entrecroiser sur les routes de Patagonie -, un nouveau récit minimaliste, très linéaire, au scénario moins étoffé, que le cinéaste situe dans cette même région de l'Amérique du Sud, dans un décor fait de paysages immenses et désolés. BOMBÓN (EL PERRO) nous raconte les peines et les joies, les espoirs aussi, de quelques personnages croisés au détour des interminables routes de l'extrême sud du continent latino-américain.



A 52 ans Juan Villegas vient d'être licencié de la station-service où il travaillait depuis vingt ans. Confronté au chômage, il sculpte des manches de couteaux qu'il essaie de vendre autour de lui. Sans succès d'ailleurs, car les acheteurs auxquels il s'adresse ne sont guère mieux lotis que lui. Un jour, après être venu en aide à une jeune femme en panne au bord de la route, il se retrouve propriétaire d'un chien de race, un magnifique dogue argentin qu'il baptise Bombon. La chance, dès lors, semble lui sourire: son chemin va croiser celui d'un banquier amateur de chasse, d'un dresseur professionnel de chiens un peu margoulin et d'une chanteuse argentine rencontrée dans un restaurant libanais. Sans oublier d'autres personnages (sa propre fille et son gendre déprimé, un recruteur dans un bureau de placement, etc.). Des rencontres qui se présentent de la même manière, sous forme de petites anecdotes, tantôt amères, tantôt humoristiques. On est aux antipodes de la société de consommation, on plonge dans l'univers des laissés-pour-compte du système.



Le ton du film est à la fois épuré et très travaillé. Les personnages et leurs visages, les paysages, le voyage rappellent HISTORIAS MINIMAS. En particulier l'épisode du vieux Don Justo, qui était parti sur les routes à la recherche de son chien disparu deux ans plus tôt. Carlos Sorin explique qu'il travaille toujours de la même façon: c'est d'abord un visage, dit-il, un personnage qui lui vient à l'esprit, puis il imagine une histoire. Dans le cas de BOMBÓN (EL PERRO), il souhaitait écrire un film sur un perdant: ""Sur le plan thématique, du moins pour moi, je ne pourrais pas raconter une histoire qui ne soit pas liée à la crise économique et sociale de l'Argentine. C'est comme si, dans mon pays, faire un film d'imagination, de pure fiction, était devenu immoral."" Le chômeur Juan Villegas n'a plus de place en effet dans la société, il n'est plus rien aux yeux du monde, mais avec l'arrivée du chien dans sa vie, les portes recommencent à s'ouvrir. On sera bien sûr sensible au coup de pouce, ironique peut-être, donné par le destin: ce n'est pas simplement un chien, en effet, que la jeune femme a offert à Juan, le cadeau est bien plus important. Bombon est une porte ouverte vers de nouvelles opportunités auxquelles Juan n'avait bien évidemment jamais songé. Des gens qui n'auraient même pas posé un regard sur lui s'intéressent subitement à cet homme, à l'instar de ce patron qui l'engage immédiatement comme gardien chargé d'empêcher un ancien surveillant de venir récupérer ses affaires. Incapable d'ignorer le malheur qui frappe son prédécesseur, Juan laissera tomber cet emploi.



La séquence d'ouverture - Juan tente de vendre ses couteaux à des ouvriers durant leur pause - donne immédiatement le ton du film. Tournée caméra à l'épaule, très près des visages, cette scène affiche tout de suite la volonté du réalisateur de faire passer ses personnages avant l'histoire. La caméra ne bouge pas, elle se fait discrète, elle n'est qu'un support qui laisse s'exprimer le héros. Le cinéma de Carlos Sorin est ainsi très proche du documentaire: le cinéaste ne fait pas répéter ses acteurs - tous non professionnels -, ne leur donne pas de texte, filmant avec deux caméras pour ne rien perdre, pour pouvoir saisir le quotidien sans avoir besoin d'intervenir. Une façon de filmer qui laisse volontairement floue la limite entre fiction et documentaire.



Avec BOMBÓN (EL PERRO) Carlos Sorin porte un regard pointu et critique sur l'Argentine et sur notre monde, donnant une belle leçon de cinéma. Le film a d'ailleurs obtenu plusieurs prix internationaux (Prix de la critique à San Sebastian [2004] et en Argentine [2005], plusieurs nominations, meilleur acteur au Festival des Trois Continents). ""Toute ressemblance avec des personnes ou des situations de ce film ne serait que pure coïncidence"", précise le générique. Difficile d'y souscrire vraiment: situations et personnages ne sont bien évidemment pas entièrement fictifs, pas plus que les ressemblances ne sont purement fortuites."

Antoine Rochat