The Hunter

Affiche The Hunter
Réalisé par Serik Aprimov
Pays de production France
Année 2010
Durée
Musique Mark Snow
Genre Thriller
Distributeur inconnu
Acteurs Dianna Agron, Steven Waddington, Chris Briant, Tony Becker, Terence Knox
N° cinéfeuilles 511
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Avec cette parabole aux frontières du mythe et de la réalité, trigon-film une nouvelle fois fait mouche. Le distributeur recueille une œuvre profondément enracinée dans un riche terreau - aujourd'hui kazakh - pour nous en faire découvrir et goûter la portée universelle.

Serik Aprimov est considéré comme l'un des piliers de ce qu'on appelle la Nouvelle Vague kazakhe (par analogie et affinité avec la Nouvelle Vague française) qui naît en Russie dans les années 80, dans une période de grande mutation politique (voir ci-après). LE CHASSEUR est son cinquième long métrage, dont les qualités sont notamment attestées par deux prix à Locarno 2004 (Netpac award et CICAE/ARTE).

Dans un village isolé des montagnes, Erken, un garçon de 12 ans, vit en marge: on dit de lui qu'il est ""froid"", sans vie. Un soir, alors qu'un chasseur de passage passe la nuit avec sa mère, il se rebelle. Volant cheval et carabine à l'amant, il met à sac le petit magasin du village et s'enfuit. Le chasseur le retrouve avant les gendarmes et lui propose de choisir entre un exil avec lui dans la montagne et un emprisonnement de plusieurs années.

Sobriété, sérénité et harmonie règnent en maîtres sur le film. Sur elles viennent se greffer d'une part des espaces majestueux, des loups seigneurs de nature et une grappe d'humains magnifiques; d'autre part, une méditation sur la force de vie et sur l'interdépendance des êtres, entre eux et avec la nature. ""J'ai voulu permettre aux spectateurs d'entendre en même temps le cri désespéré d'un être humain et le silence neutre de la nature"", explique le réalisateur/scénariste.

En fait, le talent de Serik Aprimov, c'est tout ce qu'il fait éclore à partir de ce cri et de ce silence. C'est le parcours initiatique que le chasseur propose à Erken: l'enfant taciturne et renfrogné ouvre les yeux sur un monde dans lequel nature, bêtes et humains sont indissolublement liés. Un monde où les individus ne peuvent se comprendre qu'unis entre eux par une communion à la fois âpre et mystérieuse.

Pas de manichéisme dans ce récit pourtant cousu de bipolarités: mythe-réalité, nature-esprit, modernité-tradition; vie-mort. Un homme en revanche trace la frontière: cravachant son cheval, il file en équilibre sur les crêtes de vie: par lui passe le souffle qui réchauffera Erken, l'enfant menacé d'asphyxie.

Entrer dans ce conte réclame pourtant l'effort de braver les us et langages d'une autre culture, d'accepter par exemple le décalage qui provient d'une dominante patriarcale. La pertinence du discours sur l'importance de l'initiation, sur les dégâts que provoque son absence, reste en revanche entière: elle traverse les steppes et nous frappe de plein fouet. Comme d'ailleurs, par effet de miroir, nous apparaissent futilités et incohérences de la vie moderne, en perte d'âme, de repères et d'humanité.

Enfin, ce film est terriblement beau. Mais c'est surtout par ce qu'il nous dit de la vie - de la vie ensemble et de la vie en harmonie - qu'il vaut la peine d'être vu.





Cinéma et Kazakhstan:

La vitalité de la production cinématographique du Kazakhstan s'explique par l'histoire. Dès les années 1920, le pouvoir soviétique, voyant dans le cinéma un vecteur efficace de propagande, y établit de solides infrastructures. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Staline donne l'ordre d'évacuer les studios de cinéma de Moscou et Leningrad en Asie centrale, en particulier à Almaty, alors capitale du Kazakhstan. Les années 60 voient l'émergence d'un cinéma d'auteur très dynamique, à côté de superproductions idéologiques. Au début des années 80 naît la Nouvelle Vague kazakhe avec Serik Aprimov, Darejan Omirbaev, etc."

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