Réalisé par | Stephan Streker |
Pays de production | Belgique, Luxembourg, Pakistan, France |
Année | 2016 |
Durée | |
Genre | Drame |
Distributeur | frenetic |
Acteurs | Olivier Gourmet, Alice de Lencquesaing, Sébastien Houbani, Babak Karimi, Lina El Arabi |
Age légal | 12 ans |
Age suggéré | 14 ans |
N° cinéfeuilles | 766 |
Stephan Streker, réalisateur belge, présente son film comme «une tragédie grecque», parce que dans ce genre, «c’est la situation qui est monstrueuse, pas les personnages». Le fait est que son histoire est celle de protagonistes ballottés par des contraintes dont ils ne peuvent s’affranchir, quelle qu’en soit la valeur objective.
Le point de vue est celui de la principale victime,Zahira (Lina Al Arabi), étudiante d’origine pakistanaise, qui se voit contrainte au mariage, alors qu’elle vit en Belgique où elle a grandi. Jusque-là heureuse et aimée par sa famille, elle se déchire entre le désir de ne lui causer aucun tort et le refus d’épouser un homme qu’elle n’a pas choisi, qu’elle ne connaît pas.
Le réalisateur renonce à la musique pour concentrer tout l’intérêt sur son sujet. Il appuie son film sur une enquête minutieuse des coutumes pakistanaises. C’est sans doute la raison pour laquelle, malgré des longueurs et une fin discutable, Noces convainc par le ton de sincérité qui le traverse. Il n’y a pas de lutte entre bons Européens et méchants musulmans, mais des règles à respecter dont l’enjeu est en priorité le respect pour les premiers, l’affection familiale pour les seconds.
La situation monstrueuse dont parle Stephan Streker est le fait qu’une société est assez puissante pour maintenir ses codes au-delà des frontières - ici celle du Pakistan interfère en Belgique. L’entrave à l’intégration est sévère, quel que soit l’esprit d’ouverture des personnes concernées. On voit aussi que le «qu’en dira-t-on», bien plus que la religion, signe violemment l’appartenance au groupe.
Le film se construit entièrement sur le dilemme. Celui de Lina, donc; puis celui du frère, Amir (Sébastien Houbani), très attaché à sa sœur et qui veut l’aider sans trahir sa famille. Celui des parents ensuite qui ne veulent que le bonheur de leur fille, maisdoivent honorer leur promesse au futur marié. Celui de l’amie (Alice de Lencquesaing) de Lina et de son père (Olivier Gourmet), défendant le point de vue de la modernité en essayant de comprendre les arguments qu’on leur oppose.
Ce sont ces fluctuations qui sont intéressantes car elles montrent avec précision la difficulté de trancher une situation dans laquelle tout le monde a raison, mais selon des critères antinomiques. D’autant que, côté pakistanais, on se refuse à jauger le bien-fondéde la coutume par un «c’est comme ça!».
Le plus grave de ces critères, évidemment, est celui qui considère les femmes commedes êtres inférieurs, soumis à une loi ancestrale qui les prive de toute expression et de tout épanouissement. Cette loi, même les mères, dans beaucoup de cas, s’attachent à la faire respecter…Strekera raison de le montrer, optant ainsi pour la nuance plutôt que de juger. Comme il a raison de rappeler la surprenante résilience des femmes – voir la sœur aînée (Aurora Marion) de Lina – qui, plutôt que se jeter dans une âpre lutte pour le respect de leurs droits, semblent préférer se persuader de leur bonheur.
Geneviève Praplan