Critique
"Bel hommage filial, ce très, très long film s'attache à la personne du légendaire chef d'orchestre roumain Sergiu Celibidache (1912-1996). Il est d'autant plus intéressant que le maestro a toujours refusé d'enregistrer des disques, affirmant qu'il en résultait un nivellement de la musique vers le bas; c'est donc un régal de voir et d'entendre une interprétation prendre forme sous l'impulsion d'un brucknérien passionné.
Habilement construit, le documentaire entrelace des propos tenus par Celibidache dans le jardin de sa somptueuse propriété et les conseils - pour ne pas dire les ukases - donnés dans le cadre de ""master classes"" destinées à de jeunes chefs, des instrumentistes et des choristes. Beaucoup d'images de jardin sont symboliques de la démarche suivie avec les élèves.
Hommage filial, confinant à l'hagiographie: rideau sur les relations ambiguës d'autrefois avec le fascisme, et les séquences où le maître reprend et corrige les jeunes candidats à la direction d'orchestre donnent l'impression qu'il est une sorte de Socrate, alors qu'il n'hésitait pas devant des humiliations publiques assez terrifiantes. Cela posé, le mélomane sera passionné par ce qui peut apparaître comme non seulement une leçon de musique mais une leçon de vie. Il sera fasciné par la direction de Celibidache, d'une grande économie gestuelle et où le regard est primordial. Il sera subjugué par une dynamique musicale époustouflante, mais aussi frustré par l'écoute de chefs-d'oeuvre tronqués."
Daniel Grivel
