Terre éphémère (La)

Affiche Terre éphémère (La)
Réalisé par George Ovashvili
Titre original Corn Island
Pays de production Géorgie, France, Allemagne, kazakhstan, République tchèque
Année 2014
Durée
Musique Josef Bardanashvili
Genre Drame
Distributeur trigonfilm
Acteurs Ilyas Salman, Mariam Buturishvili, Irakli Samushia, Tamer Levent
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 743
Bande annonce (Allociné)

Critique

Il suffit à George Ovashvili d’un minuscule îlot pour évoquer les puissants cycles de la vie. La nature y trouve toute sa place.

Jeté en terre, le grain germe, grandit, mûrit et retourne à la terre. La vie, dans son sens large, est rythmée par des cycles temporels. Le réalisateur géorgien s’en empare dans son deuxième film, une métaphore poétique aux images puissantes, qui redonne sa juste place à la nature.

La rivière trace la frontière entre la Géorgie de l’Abkhazie. L’eau roule sur un sol fertile qui émerge au printemps. La coutume veut qu’à la nouvelle saison, les paysans se précipitent sur les îlots de limon pour y semer et récolter avant l’hiver. Cette année-là, un homme (Ilias Salzmann) expérimente la qualité du sol avec l’aide de sa petite-fille (Mariam Buturishvili), une adolescente encore accrochée à sa poupée, qui hésite entre deux âges. Ils construisent une hutte, y apportent le strict nécessaire et y mènent une vie rudimentaire, à peine troublée par les coups de feu échangés dans la forêt proche et les militaires qui surveillent la côte géorgienne. Le maïs pousse bien, ses hautes tiges dissimulent bientôt la cabane.

Dans L’Autre rive (2009), Ovashvili promenait déjà sa caméra dans les zones frontalières, suivant un garçon parti à la recherche de son père disparu. La notion de limite est présente aussi dans Corn Island. Outre la rivière, il y a la langue, on ne se comprend pas entre Abkhazes et Géorgiens. Le film qui fait preuve d’une épargne quasi-totale en matière de dialogues, les utilise justement lorsque les personnages buttent sur cette différence.

Mais la frontière existe seulement dans la conscience humaine. Elle n’est pas visible à l’œil. Au contraire, les paysages somptueux qui se déroulent en collines semblent se griser d’espace à l’infini. La nature prend le dessus, elle en impose aux garde-frontières, aux militaires, aux soldats blessés qui s’y cachent.

Cette horizontalité qui, pour l’individu, va de mur en mur est l’un des thèmes suggérés par le réalisateur. Un autre est de dimension verticale, celui de la filiation. Dans L’autre rive, le jeune garçon cherche à renouer le fil de l’ascendance. Dans Corn Island, le lien n’a pas été brisé par la mort des parents; il se prolonge par-dessus leur génération, entre le grand-père et sa petite-fille.

Mais ici intervient la fin d’un cycle. L’adolescente a atteint un nœud que le temps va l’obliger à défaire. L’enfance et la poupée à laisser derrière soi, découvrir l’âge adulte, reprendre le témoin. Tandis qu’elle grandit, le grand-père se voit lui aussi parvenir à une limite, au bord d’une autre rive… Lui achève son temps. L’ordre naturel des choses s’installe avec les saisons, avec la rivière, et c’est la grande beauté de ce film que d’y unir intimement ses personnages.

Ainsi George Ovashvili mêle-t-il les métaphores. Sur un petit carré de terre, une île minuscule, il met en scène l’immense mouvement du temps, celui que l’homme maîtrise et celui qui le dépasse. On est ici, dans un contexte élémentaire, sans esbroufe, sans artifices. Avec ses images splendides et ses silences méditatifs, le film joue au plus profond de la vraie vie.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 18
Antoine Rochat 16
Philippe Thonney 13