Francofonia

Affiche Francofonia
Réalisé par Alexandre Sokourov
Titre original Francofonia
Pays de production France, Allemagne, Pays-Bas
Année 2014
Durée
Musique Murat Kabardokov
Genre Drame, Historique
Distributeur looknow
Acteurs Louis-Do de Lencquesaing, Benjamin Utzerath, Vincent Nemeth, Johanna Korthals Altes, Jean-Claude Caër
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 855
Bande annonce (Allociné)

Critique

Alors qu’ils occupaient Paris, les nazis se sont intéressés au musée du Louvre. Alexandre Sokourov rappelle comment deux hommes, l’un français, l’autre allemand, ont travaillé à la sauvegarde des collections. Son film est aussi une ample méditation sur la relation entre l’art et le pouvoir.

C’est une œuvre insolite, qui supplante par son originalité les films qu’on a pu réaliser sur ce thème. Comme La Femme au tableau (Woman In Gold), de Simon Curtis, sorti en 2015. Ou Monuments Men (2014) réalisé par George Clooney, deux films basés eux aussi sur des faits réels. Le cinéaste russe avance sur une crête: d’un côté la fiction, de l’autre le documentaire, deux genres qu’il explore et entrelace en livrant sa réflexion sur ce que l’art et le pouvoir disent de l’humanité.

Le musée du Louvre en est le centre. Dans le labyrinthe de ses galeries, Jacques Jaujard (Louis-Do de Lencquesaing) pour la France et le comte Franz von Wolff-Metternich (Benjamin Utzerath) pour l’Allemagne, tentent de sauver ce qui peut l’être. Le premier est directeur des Musées nationaux et de l’Ecole du Louvre. Le second dirige la Commission pour la protection des œuvres d’art de l’armée d’Occupation. Les deux n’ont pas à répondre de la même mission, mais les deux sont sincères dans leur amour de l’art.

Cet amour de l’art, un autre homme le partage avec eux. C’est Alexandre Sokourov, élève de Tarkovski, Lion d’Or à la Mostra de Venise en 2011 pour son Faust, aujourd’hui l’un des grands noms du cinéma russe. Le voici à son bureau, s’acharnant à obtenir la communication avec un ami dont le cargo, chargé de conteneurs emplis d’œuvres d’art, subit une terrible tempête. On pourrait voir ce difficile échange comme un symbole du tournage de Francofonia. Car son auteur commence son film par un doute: «J’ai le sentiment qu’il est raté».

Le fait est que son entreprise est aussi audacieuse que celle de son ami marin qui confie des tableaux de maîtres à une mer furieuse. Le cinéaste arrivera pourtant au terme de son œuvre, un film singulier formé d’un assemblage baroque de procédés qui composent néanmoins un ensemble cohérent. Images d’archives, reconstitutions, séquences imaginaires comme celles de Napoléon visitant «son» musée, ou celle plus hasardeuse de Marianne - personnage allégorique de la Révolution française - s’essoufflant dans les galeries à la recherche de La Liberté.

Surtout, Sokourov se promène. A la veille de l’occupation nazie, les collections du Louvre ont été mises à l’abri dans des châteaux de province. Le réalisateur les retrouve et les expose si magnifiquement qu’on les croirait réelles. Il les dévoile et les observe, s’interroge devant les regards vibrants de certains portraits: toute la nature humaine est là. Les siècles s’y mélangent ainsi que leur histoire, comme celle du grand musée français. Mais les œuvres conduisent plus loin dans le temps, périodes de grandeurs ou périodes de souffrance, images authentiques, images fabriquées, réflexions inspirées de la philosophie, de la sociologie, de la poésie.

Tout cela tient ensemble grâce au souffle créatif qui sous-tend le film, soutenu par une plastique irréprochable. C’est une leçon d’esthétique. Car dans Francofonia, la beauté n’est jamais gratuite. Elle dit l’aspiration artistique érodée par celle du pouvoir, ces désirs capables de déterminer la grandeur ou la misère de l’humanité.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 14
Georges Blanc 16
Geneviève Praplan 15