Playback

En guise de préambule au monument présenté par Geneviève Praplan ci-dessus, on pourra également voir (sans doute seront-ils projetés successivement), le documentaire Playback, sorte de making of amélioré du film de Guerman, réalisé par le suisse Antoine Cattin. Né dans le Jura et établi en Russie depuis 2004, il a déjà réalisé plusieurs documentaires avec son complice Pavel Kostomarov. Il a accompagné pendant trois ans Alexeï Guerman et toute son équipe sur le tournage très éprouvant de cette gigantesque épopée.

Ce film contient de plus quelques anecdotes intéressantes sur le passé de Guerman, du cinéma soviétique et des studios Lenfilm de St-Pétersbourg. On y apprend par exemple que le projet de Il est difficile d’être un Dieu était déjà sur les rails en 1968, mais qu’il fut censuré suite à l’invasion de Prague par les chars russes. Trois autres films de Guerman avaient d’ailleurs été interdits de sortie par le gouvernement soviétique. Face caméra, le cinéaste se laisse aller à des confidences sur ses pensées profondes et les regrets d’un passé dans lequel les journalistes politiques étaient esclaves du Régime, et sa peur de voir le fascisme revenir dans le futur. La partie purement « making of » nous présente au travail un homme colérique, craint et respecté à défaut d’être aimé. On se demande parfois comment il lui est possible de diriger tant de monde sur un tel projet en distillant une tension parfois étouffante. Puis on le voit dirigeant les acteurs amateurs constituant la grande majorité des comédiens, qu’il est allé chercher dans le métro pour leurs « gueules », et qui sont honorés d’être sur ce tournage. Guerman est finalement touchant car on voit sa parfaite connaissance du fait qu’il ne lui reste plus beaucoup de temps pour terminer d’exprimer ce qui lui tient à cœur. On a de lui l’image d’un démiurge complexe, généreux et littéralement obsédé par deux faits qu’il cherche à tout prix à dénoncer dans son film-testament : le chaos régnant sur la planète et l’impossible utopie de la réforme démocratique.