Millions can walk

On aurait aussi pu intituler ce documentaire «La longue marche des gueux». Des paysans spoliés de leurs terres et des «adivasi», littéralement «les premiers habitants» du sous-continent indien, chassés de leurs montagnes et de leurs forêts par l'exploitation de richesses du sol, des plantations gigantesques, des aciéries tentaculaires. Près d'une centaine de millions de femmes et d'hommes qui adhèrent à Ekta Parishad, mouvement non violent animé par Rajagopal, bien plus meneur charismatique que gourou. Ce mouvement a mis sur pied - c'est le cas de le dire - une marche de protestation pacifique rassemblant 100'000 personnes disciplinées et bien décidées à faire céder le gouvernement central sur leurs revendications fondamentales: des terres à habiter et à cultiver.
Christoph Schaub (La disparition de Julia, Tapage nocturne) a été touché par cette démarche prolongeant les actions de Gandhi. Pour des raisons techniques, il n'a pu participer ni aux repérages ni au tournage mais a fait confiance à Kamal Musale, réalisateur et cadreur indo-suisse établi depuis plusieurs années à Mumbai, qui est évidemment comme un poisson dans l'eau dans l'univers grouillant du sous-continent.
Un accord a été conclu avec les autorités, et son application se met lentement en place. Les promesses seront-elles tenues? Comme le dit non sans malice le ministre du développement rural, l'Inde existe depuis 5'000 ans et le même mot est utilisé pour dire «hier» et «demain»... Mais on peut faire confiance aux membres d'Ekta Parishad, que l'éternité n'effraie pas.
Lent et méthodique, Millions can walk propose, au-delà de son aspect documentaire, des scènes émouvantes et des occasions de réflexion sur les effets délétères de la mondialisation.