Lore

Affiche Lore
Réalisé par Cate Shortland
Titre original Lore
Pays de production Allemagne, Grande-Bretagne, Australie
Année 2012
Durée
Musique Max Richter
Genre Drame, Thriller, Guerre
Distributeur looknow
Acteurs Ursina Lardi, Saskia Rosendahl, Kai Malina, Hans-Jochen Wagner, Nele Trebs
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 685
Bande annonce (Allociné)

Critique

 

L’aventure d’une fratrie qui veut retrouver sa grand-mère à la fin de la guerre? Lore est bien plus: l’éveil à la réalité de cinq enfants qui ont grandi dans le mensonge. Beau sujet, soigneusement traité.

La famille d’un dignitaire nazi se réfugie en Forêt-Noire à la fin de la guerre. Lorsque leurs parents sont arrêtés, Lore (Saskia Rosendahl), sa sœur et ses trois frères cadets entreprennent de traverser l’Allemagne pour se réfugier chez leur grand-mère. Traverser l’Allemagne, cela signifie parcourir un pays détruit alors qu’ils ont été protégés de tout, entendre des assertions contradictoires, découvrir  un désastre auquel ils ne comprennent rien. Sur leur chemin, ils rencontrent un jeune garçon juif (Kai Malina) qui pourrait les aider. Mais dans la tête de Lore, à  qui on a inculqué la haine des Juifs et la non remise en cause de l’ordre établi, les questions s’entrechoquent.

La réalisatrice australienne s’inspire de  La chambre noire, roman publié en 2001 par Rachel Seiffert. L’histoire l’a bouleversée d’autant plus, explique-t-elle, que sa belle-famille, juive-allemande, a fui le nazisme en quittant Berlin en 1936. Mais les thèmes explorés par le livre et repris par le film sont moins la Seconde guerre que le conditionnement de l’éducation et le mensonge. «Les enfants ne sont-ils pas victimes des crimes de leurs parents? Comment vivre lorsqu’on réalise que tout est faux autour de soi, que les valeurs inculquées ne sont que haine de l’autre?»

Ce sont des sujets forts, placés dans un contexte terrible. Malgré la confrontation à une situation éprouvante, les jeunes interprètes savent donner le change, Saskia Rosendahl, particulièrement, est remarquable, incarnant une adolescente qui, à l’âge où l’on joue encore en découvrant la vie, voit s’effondrer tous ses dogmes.  Lore est livrée à elle-même face à une vérité qu’elle ne peut accepter sans trahir ses parents. Les règles sont renversées, il n’y a rien à quoi se cramponner, personne à qui demander des explications, réclamer des comptes. «Il est difficile de ne pas voir en elle le monstre que son époque a fabriqué», note Cate Shortland, qui s’est scrupuleusement documentée pour construire ses personnages.

Choisissant l’économie des dialogues, la cinéaste fait parler les images: les destructions, les cadavres, les plans serrés sur les visages, concentrés sur les expressions. En jouant tantôt avec la réalité, tantôt avec le symbole, en alternant  les séquences difficiles avec des plans d’une nature objective et insouciante, Cate Shortland donne la mesure du choc vécu et refoulé par les enfants. Les doutes, les questions qui brouillent leurs repères, l’ambiguïté de leurs sentiments, tout cela se lit sans mots et bouleverse, malgré la linéarité du récit.

Bien qu’ils avancent vers leur but, les frères et sœurs semblent tourner en rond tant ils peinent  à se défaire de l’initiation qu’ils ont subies. Lorsqu’enfin ils atteignent leur but, lorsque le paysage de la mer du Nord pourrait s’ouvrir sur un nouveau monde, voilà que le piège se referme sur eux. Peut-on échapper au déterminisme de l’éducation reçue?

 

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15
15
Daniel Grivel 15
Georges Blanc 14
Anne-Béatrice Schwab 15