A Home far away

Depuis le temps qu’il connaissait la famille Snow, Peter Entell, cinéaste d’origine étasunienne vivant en Suisse, a finalement réalisé son vieux projet, tourner un film sur ce couple si étroitement lié au destin de la Chine. Mais aujourd’hui, l’épouse est seule pour raconter. Agée de 90 ans, elle le fait à partir de ses photos, de ses dessins et de ses souvenirs, fortement attachée à ce mari qui a tant fait, explique-t-elle, pour nouer des liens entre la Chine de Mao et les Etats-Unis de Nixon.

Né dans le Missouri, Edgar Snow (1905-1972) a probablement été le premier journaliste occidental, en 1936, à réaliser des reportages de terrain sur l’origine du communisme. Il y a rencontré Mao Zedong dont il est devenu un ami. En 1949, il épouse en secondes noces l’actrice californienne Lois Wheeler. Le couple défend des causes humanitaires. Mais Snow écrit des ouvrages sur la Chine et ses relations suivies avec ce pays le rendent suspect de communisme. Quelques années plus tard, le couple déménagera en Suisse, fuyant la chasse aux sorcières lancée par le sénateur McCarthy.

Peter Entell n’écrit pas la biographie du journaliste. Il utilise de nombreux films d’archives, certains signés par Snow lui-même. Surtout, il pose sa caméra devant Lois Wheeler et lui laisse le temps d’évoquer les choses au gré de sa mémoire et de ses sentiments. Tantôt l’image cadre l’alerte vieille femme dans son domaine. Tantôt elle illustre son récit par la belle campagne qui entoure la maison et qui suit, symboliquement, le rythme des saisons. La mélancolie teinte les témoignages; les deuils passés, le présent marqué par la démolition de la maison, alors qu’on moissonne les blés et que les tournesols se fanent, signant la fin d’une existence.

Le film est attachant, mais il laisse perplexe. Pas d’explications sur cette amitié d’Edgar Snow avec Mao dont on sait juste qu’elle a donné la possibilité au journaliste de formuler des objections au Grand Timonier. Pas de questions non plus sur la révolte de Lois Wheeler contre la dictature chinoise qui semble ne s’éveiller vraiment qu’en 1989, lors du massacre de la place Tiananmen. La maison est livrée aux bulldozers, la vieille dame referme ses albums. On n’en demandera pas plus.