Réalisé par | Xiaolu Guo |
Pays de production | Allemagne |
Année | 2011 |
Durée | |
Musique | Mocky |
Genre | Drame |
Distributeur | trigonfilm |
Acteurs | Udo Kier, Ke Shi, Mandy Zhang, Y. Peng Liu, Z. Lan |
Age légal | 16 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 654 |
Réaliste et surréaliste à la fois, tantôt comédie, tantôt tragédie, mêlant humour (subtil) et satire (souvent féroce), le second film de la cinéaste chinoise Xiaolu Guo enchante.
Un démarrage flamboyant et voici Kwok Yun (Shi Ke), une jeune femme qui vit dans un village chinois reculé. Elle habite là avec son père qui se désespère de ne pas la voir mariée, alors qu’elle a la trentaine passée. Travaillant dans la carrière toute proche, Kwok Yun mène une vie monotone et connaît quelques aventures amoureuses avec le responsable de l’école du village.
Tout va basculer, pour elle comme pour les villageois, le jour où elle croit avoir vu un OVNI. Elle sort alors de l’anonymat, mais Chang (Mandy Zhang), commissaire et cheffe du village, a très vite compris quels sont les avantages politiques et financiers qu’elle pourrait retirer de cette soudaine célébrité. Par ailleurs - et le jour-même où elle a vu l’OVNI -, Kwok Yun a porté secours à un Américain égaré dans la région et mordu par un serpent! Tous ces événements vont troubler la tranquillité des habitants. Ambitieuse, Chang (joli portrait d’une responsable maoïste des années 50) obtiendra les crédits nécessaires pour faire de son village un haut lieu touristique attirant les étrangers.
La cinéaste Xiaolu Guo (Léopard d’Or à Locarno en 2009 avec SHE A CHINESE) joue sur le décalage entre les discours stéréotypés de Chang et la réalité contemporaine chinoise, n’hésitant pas à pousser le bouchon assez loin, avec l’arrivée (arrosée de champagne) d’un millionnaire made in USA, Big Huang, venu expliquer aux villageois comment s’enrichir.
Dans cette adaptation d’un roman qu’elle a elle-même écrit, Xiaolu Guo donne la parole aux petites gens, aux hommes et aux femmes laissés pour compte par le rapide développement du pays. La présence tout au long du film - mais on ne le voit jamais - d’un fonctionnaire venu de Pékin enquêter sur l’OVNI signalé contribue à entretenir ce décalage entre la vie de la capitale et celle des campagnes: le rapport de l’enquêteur, très officiel, s’insère régulièrement dans l’histoire (les images sont en noir et blanc), tel un clin d’œil amusé et décalé à l’adresse du spectateur.
Chronique villageoise à l’ironie souvent pointue, UFO IN HER EYES parle du passage du communisme au capitalisme. La description n’est pas toujours rose. Le bonheur promis fragilise l’équilibre communautaire et s’accompagne de décisions arbitraires, au grand dam des droits individuels: pêcheurs, paysans, marginaux seront victimes de brimades administratives. Certains perdront leurs habitats, d’autres seront dépossédés de leurs plans d’eau, champs et rizières, qui seront sacrifiés au nom du progrès, pour laisser place à des constructions modernes et ridicules. Vive la mondialisation chinoise, façon américaine… Installée à Londres depuis plusieurs années, la cinéaste - ceci explique peut-être cela! - n’y va pas par quatre chemins: la satire est souvent féroce, comme est vive la critique d’une idéologie rigide et dépassée. Le bonheur mondialisé préconisé par les autorités semble engendrer un joli chaos.
On laissera au spectateur le plaisir de découvrir les dernières séquences du film: «Au milieu de la lecture d’un jeu historique au sein d’une société totalitaire - nous dit la cinéaste Xiaolu Guo -, c’est l’histoire perpétuelle de Sisyphe et de sa tâche jamais achevée. Kwok Yun est une petite personne qui tente de trouver un chemin pour sa survie. Et si elle est largement punie dans sa vie actuelle au village, je ne voulais pas qu’elle soit punie dans l’avenir, ni conclure l’histoire sur une affirmation générale. Il fallait donc que son avenir soit laissé un peu ouvert, d’une manière proche de la fable.»
Combinaison d’une approche documentaire et d’un film de fiction, UFO IN HER EYES témoigne d’une direction d’acteurs excellente, en même temps que d’une bonne gestion de l’improvisation. S’appuyant sur une intrigue très construite, cette comédie libre, piquante et mélancolique à la fois, est pleine de trouvailles. Les images sont splendides et l’accompagnement musical fait subtilement référence au folklore chinois et à des refrains occidentaux orientalisés.
Antoine Rochat
Nom | Notes |
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Antoine Rochat | 16 |
Geneviève Praplan | 15 |