Cheval de Turin (Le)

Affiche Cheval de Turin (Le)
Réalisé par Bela Tarr
Pays de production Hongrie, Suisse, Allemagne, France
Année 2011
Durée
Musique Mihaly Vig
Genre Drame
Distributeur Vega
Acteurs Erika Bok, Janos Derzsi, Mihály Kormos, Ricsi
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 651
Bande annonce (Allociné)

Critique

Qu’écrire devant un film dont l’auteur - pas encore sexagénaire - annonce qu’il sera son dernier opus? Que penser de ce très long métrage, monument en noir et blanc sans concessions ni ellipses, qui a reçu l’Ours d’argent de la Berlinale 2011?

L’incipit consiste en la relation, par une voix off sur écran noir, d’un fait divers: en 1889, à Turin, Nietzsche, par compassion, se pend au cou d’un cheval fourbu rossé par son cocher puis sombre dans la folie. S’ensuit un récit se déroulant sur six jours, sorte de Genèse à l’envers puisque cela finit par la disparition de la lumière.

Béla Tarr s’intéresse à un cheval et à deux êtres humains, le cocher et sa fille, qui vivent au milieu de nulle part, dans une ferme délabrée balayée par un vent incessant. Au début, le réalisateur hongrois ose un travelling interminable (plus de cinq minutes) accompagnant latéralement et de face l’attelage - cheval, char et le cocher Ohlsdorfer (Janos Derzsi) - progressant dans les rafales et la brume. On reste ensuite souvent dans le temps réel, lorsqu’on assiste au changement de tenue de l’homme par sa fille (Erika Bok), à la préparation du repas, au ravitaillement en eau au puits. Les journées se déroulent selon une liturgie soigneusement réglée, où chacun sait ce qu’il doit faire: économie de gestes et de paroles donc. Le minimalisme règne, dans la vie des protagonistes aussi: la pomme de terre bouillie quotidienne est consommée de plus en plus parcimonieusement; l’irruption d’un lointain voisin, venu s’approvisionner en palinka (eau-de-vie nationale hongroise pouvant titrer jusqu’à 70°...) importune mais, par un long monologue, apporte un semblant d’explication à la situation beckettienne dans laquelle se trouve le monde. Un monde limité à l’horizon que scrutent obstinément Ohlsdorfer et sa fille, assis derrière leurs fenêtres. Il n’en surgit qu’une troupe de tsiganes tout heureux de trouver de l’eau mais brutalement expulsés par le maître des lieux. Ne reste d’eux qu’un livre offert à la fille, contenant d’étranges prophéties qu’elle déchiffre laborieusement.

Le cheval ne se nourrit plus, le puits vient à tarir: père et fille entassent le strict nécessaire sur une charrette à bras et s’en vont pour revenir peu après, sans espoir. Les lampes à pétrole, bien que pleines, s’éteignent et ne peuvent pas être rallumées par des tisons qui, eux aussi, finissent par mourir. On a l’impression que la fille, coupant le fil d’un raccommodage, a été la Parque du récit.

Bande sonore très élaborée, entre une musique répétitive efficace de Mihali Vig et les gémissements du vent; photographie magnifique; images évoquant notamment la leçon d’anatomie de Rembrandt (Ohlsdorfer couché sur son lit) et des scènes paysannes de van Gogh: LE CHEVAL DE TURIN est certes un chef-d’œuvre, mais qui se mérite. Comme on dit familièrement, il faut s’accrocher aux branches, et le spectateur amateur de grand huit prendra tôt la tangente...

Daniel Grivel

Appréciations

Nom Notes
Daniel Grivel 16
Geneviève Praplan 18
Antoine Rochat 11