Notre étrangère

Affiche Notre étrangère
Réalisé par Sarah Bouyain
Pays de production France, Burkina Faso
Année 2010
Durée
Musique Sylvain Chauveau
Genre Comédie dramatique
Distributeur Colifilms Diffusion
Acteurs Nathalie Richard, Blandine Yameogo, Dorylia Calmel, Assita Ouedraogo, Nadine Kambou Yéri
N° cinéfeuilles 647
Bande annonce (Allociné)

Critique

Trois itinéraires parallèles. D’abord celui d’Amy, une jeune métisse française qui, après le décès de son père - un Blanc installé en France -, part au Burkina Faso à la recherche de sa mère africaine. Ensuite celui de Mariam, une Burkinabé de 45 ans, exilée à Paris, solitaire, et qui vit difficilement. Et enfin celui d’Acita, qu’Amy découvrira à Ouagadougou: c’est sa tante, elle l’a élevée dès l’âge de 8 ans. Une tante qui n’a pas eu d’enfants et qui noie son chagrin dans l’alcool. Une femme qui incarne peut-être un autre aspect de «l’exil», celui du destin douloureux de celles et ceux qui sont restés en arrière, au pays: le personnage d’Acita, par moments impressionnant et émouvant, est là comme une racine abandonnée…

Avec NOTRE ETRANGERE, la réalisatrice franco-burkinabé Sarah Bouyain signe un triple portait de femmes en crise. Construisant son premier long métrage de fiction autour de la question des origines et du déracinement, elle aborde ce thème par petites touches, par petites séquences qui sautent constamment d’un continent à l’autre. Un procédé impressionniste qui casse parfois la fluidité narrative et contraint le spectateur à de constants rétablissements. A ces raccords abrupts s’ajoute le fait que plusieurs dialogues sont en «dioula» (la langue du pays), sans sous-titres… Au prétexte, dit la réalisatrice, de mettre le spectateur dans la même situation qu’Amy, francophone, qui ne connaît pas cette langue et peine à comprendre ce qu’on lui dit, même avec l’aide d’une domestique qui joue un rôle d’interprète.

Dans cette chronique mélancolique, tantôt silencieuse, tantôt bavarde, le quotidien se révèle discrètement, les événements du passé resurgissent incidemment. Amy n’a plus de repères dans les rues de la capitale du Burkina, les gens la prennent pour une «étrangère» et tentent de profiter d’elle. Elle a chaud, les codes vestimentaires lui sont inconnus, elle ne sait pas nouer son «boubou», elle se heurte à l’oubli…

NOTRE ETRANGERE hésite parfois entre le mélodrame familial et la réflexion socioculturelle. L’équilibre fait parfois défaut, la démarche n’est peut-être pas aboutie, mais l’option choisie reste intéressante: la quête d’une double culture, le métissage, les clivages sociaux, le sentiment de chacune de ces femmes d’être toujours considérée comme «étrangère» (pour les autres ou pour soi-même), ou d’être toujours «entre-deux», tout cela est évoqué avec douceur et intelligence, sans volonté de procéder à une démonstration et sans porter de jugement.

Note 13

Antoine Rochat