Tamaro, des anges et des pierres

Affiche Tamaro, des anges et des pierres
Réalisé par Villi Hermann
Pays de production Suisse
Année 1998
Durée
Genre Documentaire
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 382

Critique

Un documentaire suisse dit la puissance sacrée de l'art.

Le film suit Mario Botta et Enzo Cucchi pendant la construction de leur chapelle sur le Monte Tamaro, entre tourisme et plénitude.

«Pendant quatre ans, explique Villi Hermann, j'ai suivi l'architecte Mario Botta et le peintre Enzo Cucchi. Ils réalisent leur rêve de bâtir une chapelle sur un alpage en Suisse italienne. Ils travaillent gratuitement, rares sont de tels gestes tout comme de telles occasions. Je suis fasciné par ces deux artistes qui créent en symbiose.» L'aventure s'est déroulée selon le rythme naturel des saisons, et en complément à un paysage contradictoire, fait de skieurs arrivant par les remontées mécaniques, et de l'immuable silence de la montagne. Le Monte Tamaro n'a pas été gâté par ses touristes et, lorsque la neige disparaît aux abords de la belle saison, l'alpage ne retrouve pas véritablement son attrait. Sauf que, dorénavant, il devient un lieu de pèlerinage pour toutes les prières d'aujourd'hui. Mario Botta a voulu prolonger ce paysage abîmé, lui donner une nouvelle force. Il s'est associé à Enzo Cucchi et ils ont travaillé le doute dans le doute, l'espoir dans l'espoir.

On connaît l'architecte suisse qui s'inscrit dans la longue tradition des constructeurs tessinois. Le peintre, lui, est italien. On peut voir ses oeuvres dans plusieurs musées aux Etats-Unis, en Amérique latine, à Berlin, à Stockholm. Né près d'Ancôme, il est un enfant de la mer et se plonge dans ses images aux lumières fluctuantes pour les amener à la montagne. Invité à partager leur travail, le compositeur Paul Giger poursuit à leurs côtés sa propre recherche, elle permettra de mesurer la qualité acoustique. C'est ainsi que naît un oratorio, enregistré dans l'église encore en construction. Enfin, Villi Hermann et ses coéquipiers, Hugues Ryffel et Hans Stürm à la caméra, signent le journal de cette construction. Ils suivent l'architecte sur sa montagne, le peintre dans son atelier de Rome et de retour à l'alpage au moment de poser ses fresques, son équipe qui a fouillé dans les techniques anciennes, celle de l'abbaye de Padula, près de Naples en particulier.

Et, voulant témoigner d'un travail encadré par les saisons, ils s'associent sans le vouloir, ou du moins sans le montrer, à l'architecte, au peintre, au musicien. On dirait que la chapelle et les fresques en chantier se donnent au cinéaste pour le plaisir d'entrer dans le tableau. Les images magnifiques, la pureté de la musique, la vérité des artistes et leur témoignage tantôt inquiet tantôt convaincu constituent une oeuvre à part entière. Jusqu'à cette méditation de haute volée qui montre une fois de plus la force sacrée de l'art et la puissance de motivation qu'il représente pour la réalisation de l'être humain.

Geneviève Praplan