The Beaver, troisième film de Jodie Foster, tourne autour d’un regard intense et fixe, d’un bleu profond, qui est comme un cri de détresse, celui de Mel Gibson en père de famille et chef d’entreprise dépressif (Walter Black), qui décide d’utiliser la marionnette de castor qu’il a trouvée dans une benne à ordures pour sortir de son mutisme et tenter de communiquer avec les autres et de se refaire une santé mentale. Walter Black ne croit en effet plus en rien. Il se noie dans l’alcool et n’est plus que l’ombre de lui-même. Sa femme (Jodie Foster) finit par le mettre à la porte, lui et sa marionnette ridicule dont il ne se sépare plus, ne pouvant plus supporter la souffrance et la honte qu’il impose à ses deux enfants et qui rongent son fils aîné, qui avait tant voulu lui ressembler, quand il était petit.
Par son interprétation d’une justesse bouleversante, l’acteur américain réussit à faire oublier son passé turbulent et les propos antisémites qu’il a proférés. Le rôle que lui a offert Jodie Foster, dont il avait fait la connaissance en 1994 sur le tournage de Maverick de Richard Donner, est pour lui comme une rédemption: il y aborde en effet la volonté de changer, de se transformer, de sortir de son marasme intérieur, en un mot de ne plus être qui il est. Et ça sonne juste. On ne sait plus de qui, de la marionnette ou de Mel Gibson, sort la voix qui parle. On navigue du visage de Mel Gibson à la tête du castor en peluche, on se surprend parfois à ne regarder plus que la marionnette.
Pour se débarrasser de son «double», véritable prolongement de son bras et de sa personne, Walter Black recourra aux grands moyens. On frôle le Grand-Guignol. Heureusement, le film tourne court. De facture très classique, ce long métrage tient grâce à la prouesse de Mel Gibson mais aussi à celle du jeune acteur Anton Yelchin qui incarne le fils aîné de Walter Black, adolescent fortement perturbé par le comportement de son père.