Neiges du Kilimandjaro (Les)

Affiche Neiges du Kilimandjaro (Les)
Réalisé par Robert Guédiguian
Pays de production France
Année 2011
Durée
Genre Drame, Romance
Distributeur Diaphana Distribution
Acteurs Jean-Pierre Darroussin, Ariane Ascaride, Gérard Meylan, Marilyne Canto, Grégoire Leprince-Ringuet
N° cinéfeuilles 637
Bande annonce (Allociné)

Critique

Une quinzaine d’années après MARIUS ET JEANNETTE, Robert Guédiguian revient «à la maison», dans les petites bicoques de l’Estaque et avec ses acteurs fétiches. On y retrouve avec bonheur Marseille, le soleil, la mer, les grillades, les engueulades, les bons mots et les clins d’œil. Mais quelque chose a changé: le pastis a fait place à Marie Brizard ou au Metaxa… Plus profondément, la lutte ouvrière, avec ses héros, s’est disloquée, la solidarité n’est plus ce qu’elle était, et les lendemains ne chantent plus.

Avec la patte de Guédiguian, ce film révèle le désenchantement d’une génération qui a lutté pendant des décennies et qui, à travers le regard de la génération suivante, se découvre embourgeoisée. Leurs enfants ne veulent plus de sacrifices et tentent de construire leurs vies à l’abri de tout engagement.

Pire encore, c’est un nouvel arrivé sur les chantiers navals, pris dans la même charrette de licenciements, qui va brutalement interrompre leur partie de cartes: la tricherie n’est plus un jeu comme chez Pagnol, elle est devenue moyen de survivre. Michel et Marie-Claire découvrent que leur agresseur a agi pour ses deux petits frères, abandonnés par une mère qui veut vivre sa vie. La confrontation entre le vieux syndicaliste et son jeune collègue devenu malfaiteur malgré lui est un moment de cruelle vérité: qui, aujourd’hui, peut prétendre revêtir l’armure sans défaut de chevalier du bien?

Entre scènes de violence et moments de bonheur le film tisse son intrigue avec une chanson fétiche des années 60 («Les neiges du Kilimandjaro»), un poème où Victor Hugo exprime sa foi en l’humanité et un discours de Jaurès: «Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel.»

Les temps ont changé et Guédiguian prend une distance courageuse avec «l’Humanité»; les grands combats de gauche ont fait place à l’humanité des petits gestes quotidiens de solidarité. Le petit peuple de Marseille ne peut plus s’offrir une maison à l’Estaque; il est parqué dans de grands blocs anonymes où la partie de cartes a laissé le champ libre aux playstations du chacun pour soi.

Mais le film n’en est pas pour autant nostalgique: il plaide pour un nouveau courage, renonçant à réciter un catéchisme, qu’il soit marxiste ou chrétien - il s’agit d’ouvrir les yeux plutôt que de discourir.



Claude Schwab





«Ce film est pris entre Victor Hugo (le poème Les pauvres gens) et Jaurès», précise le réalisateur qui emprunte à ce dernier une définition du courage. «Se prendre en charge individuellement aussi, Jaurès insiste sur le lien entre l’individu et la société.» Le combat syndical traverse ce film pour s’élargir en responsabilité personnelle au cœur de la vie de chaque jour.

Les premières images disent tout. Michel (Jean-Pierre Darroussin) tire des noms d’une boîte, les ouvriers appelés sont licenciés. Son nom sort à son tour, le voilà au chômage. Sa femme (Ariane Ascaride) va devoir assurer le budget. Mais le couple s’aime, la famille est unie et les amis solides. Jusqu’au jour où des braqueurs brisent leur porte et leur sérénité. Découvrir l’identité des malfrats ne fera que les bouleverser davantage.

Les choses ont changé, assure le réalisateur. La force solidaire de la classe ouvrière est morte, l’argent emporte les consciences. Lui-même renvoie dos à dos les slogans et les réalités. Ses personnages défendent tant bien que mal leurs convictions: aider, encore aider. Mais leur conception de la justice se heurte à de nouveaux points de vue. S’ils ne sont pas éludés, ces débats-là n’empêchent pas les bons sentiments et une certaine candeur d’affleurer. On voudrait autour de soi des êtres purs et droits comme Michel et Marie-Claire, mais leurs personnages eux-mêmes finissent par fatiguer, trop idéalistes, trop mièvres. Il n’empêche que Guédiguian et ses acteurs fétiches donnent à voir un grand mélodrame populaire, Victor Hugo, en somme…

Note: 12



Geneviève Praplan

Ancien membre