Critique
Laissons de côté le «pétage de plombs» dont le réalisateur est un habitué et qui lui a valu, malgré ses excuses publiques, son exclusion (pas celle de son film, puisque Kirsten Dunst, choix discutable, a été sacrée meilleure interprète féminine) du festival. Lars von Trier, qui revendique ses origines germaniques, proclame avoir voulu s’inspirer du romantisme allemand. Reconnaissons que son film commence de manière saisissante par ce qui pourrait être une ouverture d’opéra, avec l’évocation des scènes majeures sur fond de Wagner. La suite prouve si besoin était un talent cinématographique reconnu. Justine et Michael célèbrent leur mariage dans la somptueuse propriété de leur richissime beau-frère, mais la fête se met à dysfonctionner, de dures vérités fusent, des masques tombent - et, pendant ce temps, la planète Melancholia, jusqu’alors cachée aux yeux de l’humanité, se rapproche de la Terre, qu’elle va peut-être réduire en miettes. Lars von Trier est un dépressif notoire, attiré par la mort, et cela saute aux yeux. On citera peut-être Tarkovsky et les CRIS ET CHUCHOTEMENTS de Bergman - il faudra laisser se décanter les impressions laissées par cette «danse des morts» esthétisante où l’être humain est déclaré définitivement seul et sans Dieu dans le vaste univers.
Note: 12
Daniel Grivel
Avec MELANCHOLIA, Lars von Trier a voulu faire «un film magnifique sur la fin du monde». Sur l’ouverture de Tristan et Iseult de Wagner, on plonge, grâce à un montage d’images énigmatiques et superbes, dans l’immensité de l’espace où un astre énorme baptisé Melancholia avance lentement vers la Terre. On comprend vite qu’il fonce inexorablement sur notre petite planète bleue et va s’y écraser, détruisant du même coup toute vie. Il semble que Lars von Trier souhaite cette fin qu’il orchestre avec un calme olympien et un lyrisme qui lui évite de tomber dans le catastrophisme. «D’une certaine façon, le film a une fin heureuse», fait-il remarquer dans une interview.
Tout commence par une belle noce bourgeoise dans un château dont les jardins descendent en pente douce vers la mer. Justine (Kirsten Dunst) épouse Michael (Alexander Skarsgard) dans le somptueux château de sa sœur (Charlotte Gainsbourg) et de son riche mari John (Kiefer Sutherland). Mais la fête vire lentement à la débandade. Des vérités fusent lors du banquet, le sourire de la mariée se crispe. Le film ne vire pas au psychodrame familial comme dans FESTEN de Thomas Vinterberg. Tout y reste feutré, suggéré, étouffé.
La première partie du film porte le nom de la mariée, Justine, qui résiste au bonheur qu’on voudrait absolument lui entendre claironner. Elle finit par s’enfuir de la chambre nuptiale. La seconde partie porte le nom de la sœur de Justine, Claire, qui recueille la mariée ayant craqué et s’enfermant dans la dépression. Claire, John et leur fils se préparent à observer au télescope le frôlement de la Terre par la planète Melancholia. John est serein: il fait confiance aux scientifiques, la planète géante ne viendra pas s’écraser contre notre bonne vieille Terre. Claire, elle, est terrorisée, alors que Justine appelle de ses vœux la catastrophe. Devant l’inéluctable, c’est finalement elle qui rendra un superbe hommage à la vie.
Le film est indéniablement beau grâce à l’esthétique léchée des images de Lars von Trier. Mais il est vide de tout espoir, et l’homme y est désespérément seul. Lars von Trier a somptueusement filmé son spleen et voudrait nous le coller. Mais ça ne marche pas.
Note: 12
Nicole Métral
Ancien membre