Critique
Ce film repose sur très peu, mais il tient. Une très longue route à parcourir (avec en mémoire pour le spectateur LE SALAIRE DE LA PEUR), 1’500 km reliant Asunción del Paraguay à Buenos Aires, un vieux camion très lourdement chargé de billes de bois à livrer, Ruben, son chauffeur fatigué par le poids des ans, Jacynthe et son bébé de cinq mois, Anaïs, qui passent elles aussi la frontière pour rejoindre une cousine et trouver, là-bas peut-être, du travail. Hormis quelques rares arrêts, tout se passe en cabine, occupée en sus des trois par le spectateur. Poussière, chaleur, fatigue, soif, cris (de bébé) remplacent questions mutuelles et véritables dialogues. Ce qui n’empêche pas l’apprivoisement mutuel de s’opérer. Au contraire, car, au fond, ni le chauffeur, ni sa passagère n’effectuent ce long voyage, c’est ce voyage qui les fait. Ni Ruben, ni Jacynthe n’arriveront à destination comme ils sont partis: Anaïs, sans prononcer quelque parole intelligible, et la route partagée en auront décidé autrement. Minimaliste, lent mais sans monotonie, ce road movie va à l’essentiel et révèle avec dignité le cœur des êtres simples et humbles.
Serge Molla
