Waste Land

Affiche Waste Land
Réalisé par Lucy Walker
Pays de production Brésil, Grande-Bretagne
Année 2010
Durée
Musique Richard 'Moby' Hall
Genre Documentaire
Distributeur praesensfilm
Acteurs Vik Muniz, Fabio Ghivelder, Isis Rodrigues Garros, José Carlos da Silva Baia Lopes, Sebastiao Carlos dos Santos
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 635
Bande annonce (Allociné)

Critique

Ce documentaire, largement récompensé, soulève bien des questions tout en déployant un regard d’une belle humanité.

Tout commence et se termine par l’extrait d’une émission de télévision brésilienne à laquelle sont invités l’artiste brésilien Vik Muniz et Tiao, qui représente l’Association des ramasseurs de déchets recyclables. Leur rencontre pourrait paraître fortuite, mais il n’en est rien, car le premier a consacré des mois de son travail artistique et a créé des œuvres picturales avec Tiao et ses compagnons d’infortune. En effet, l’artiste a un jour décidé de s’embarquer dans un projet aussi fou qu’inédit, celui de créer une œuvre avec la collaboration de quelques hommes et femmes travaillant comme «catadores» à Jardim Gramacho, une décharge de Rio de Janeiro. Il les prit tout d’abord en photos, puis transforma celles-ci en grands collages élaborés à partir de leurs déchets, avant d’effectuer une nouvelle photographie du résultat obtenu. Saisissant.

Toutefois, si ce documentaire ne faisait qu’expliciter l’étonnante démarche d’un artiste contemporain, son détour ne serait peut-être pas mérité. Heureusement, Lucy Walker, qui a étudié la mise en scène et la littérature, emmène bien plus loin. En suivant pas à pas la démarche de Vik Muniz, elle révèle qu’il s’agit pour ce dernier d’un profond cheminement. L’artiste, né en 1961 dans une famille de la classe ouvrière de Sao Paulo, a commencé sa carrière comme sculpteur avant de s’intéresser à la photographie, où il se sert dans son processus créatif de toute sorte de matériaux, réalisant par exemple en 1996 ses «Sugar Children», des portraits en sucre d’enfants de travailleurs dans les plantations de cannes à sucre aux Antilles. A Rio, il a dû tout d’abord gagner la confiance des ces fourmis humaines recycleuses, quasi noyées au milieu des tonnes d’ordures déversées quotidiennement dans ce qui est, semble-t-il, la plus grande décharge du monde à ciel ouvert. D’ailleurs, sur les premiers clichés dudit lieu, les «catadores» se fondent dans le paysage, pour discerner leur présence, il faut oser s’approcher, dépasser les clichés et ne pas se préoccuper de l’odeur. La rencontre peut alors avoir lieu, des visages apparaissent et avec eux des récits de pauvreté, certes, mais de dignité aussi. Ce sont respectivement Suelem, cette jeune femme, mère de deux enfants, qui préfère travailler là plutôt que se livrer à la prostitution; Irma, la chef cuisinière qui apprête ce qu’elle trouve sur ce lieu impossible; Zumbi, l’intellectuel du groupe qui récupère et dévore tous les livres qu’il trouve, du Da Vinci Code à Machiavel ou Nietzsche; Valter, le doyen de la décharge; sans oublier Magna et Isis.

Mais l’aventure humaine se poursuit lorsque se pose la question du devenir de chacun d’eux après cette expérience bouleversante. Faut-il emmener Tiao à une vente aux enchères à Londres où son portrait sera adjugé pour la somme de 50’000 livres sterling? L’artiste très honnêtement s’interroge, mais reconnaît que les changements qui s’opèrent pour ces hommes et femmes du Jardim Gramacho font écho voire répondent à sa propre quête: provoquer le changement par l’art. Finalement, la série «Pictures of Garbage» est exposée au Musée de Rio, et les «catadores» acquièrent une reconnaissance jusque-là inconnue. Du coup, un projet humanitaire est né et les œuvres rapportent 250’000 dollars, dont le total est revenu à l’Association des ramasseurs de déchets recyclables de Jardim Gramacho.

Ce documentaire est le lauréat du Prix du public et Prix Amnesty International au Festival de Berlin 2010, du Prix du public au Sundance Festival Film Documentaire 2010.

Note: 17

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 17
Georges Blanc 13
Daniel Grivel 16