Critique
Wolfgang Fasser a perdu la vue à l’âge de 22 ans (maladie génétique) et s’est donné comme tâche, par la suite, de faire découvrir le monde des sons à des enfants gravement handicapés. Le documentaire de Nicola Bellucci entraîne le spectateur sur le difficile chemin de l’obscurité.
En 1999, Wolfgang Fasser quitte Glaris pour aller s’installer dans un petit village reculé de Toscane. Il y travaille depuis comme musicothérapeute, utilisant sa propre expérience de vie d’aveugle pour apporter son aide à de jeunes patients, à quelques adultes aussi. On suit ainsi les progrès de plusieurs d’entre eux, dans leurs efforts à sortir d’un total repli sur eux-mêmes. Qu’ils soient autistes, muets, aveugles ou IMC, Wolfgang réussit à les faire entrer dans son «jardin des sons» où ils essaient de rétablir un lien avec les autres, de gagner en autonomie et, peut-être, de réduire cette «injustice» qui leur a été faite. Certains parviennent ainsi à s’ouvrir à notre monde grâce à l’interaction du son, du toucher et du mouvement.
Le film se présente comme un portrait complexe, porté par une bande sonore raffinée: Wolfgang s’en va régulièrement - à la tombée de la nuit - enregistrer, dans le silence de la nature, les bruits des bêtes et de la campagne. Son travail avec les sons, minutieusement décrit, est impressionnant. Ainsi immergé dans la nature, le protagoniste donne véritablement l’impression d’«entendre» le paysage, créant de la sorte un rapport - à l’inverse du cinéma? - qui va de l’écoute à la vision (intérieure). Des moments de grâce, où la musique qui accompagne le film fait bien plus qu’illustrer des images.
Né en Italie, établi à Bâle, le cinéaste Nicola Bellucci a observé pendant deux ans le patient travail mené par cet homme qui semble ne jamais désespérer. NEL GIARDINO DEI SUONI est un film humaniste, qui sait éviter toute sensiblerie. Il a obtenu le Prix de Soleure en 2010 et, par la suite, beaucoup d’autres distinctions dans des festivals d’importance internationale (Florence, Taïwan et Sao Paulo).
Note: 15
Antoine Rochat