Chambre 202

«Je me rappelle avec précision le moment où j’ai proposé à Peter Bichsel de faire ensemble un voyage à Paris. Comme en état de choc, il a protesté que c’était impossible puisqu’il s’était juré de ne jamais mettre les pieds dans cette ville. J’ai pensé que je devrais renoncer à mon projet de film. Mais par la suite nous avons conclu un accord: nous irions jusqu’à la gare de l’Est.»

Né à Lucerne, établi à Soleure, Peter Bichsel appartient au cercle étroit des grands écrivains suisses; mais, à 75 ans, il reste peu connu de ce côté de la Sarine. Le documentaire que lui consacre Eric Bergkraut était nécessaire. Il se construit sur ce voyage à Paris, au cours duquel l’écrivain découvre une ville qu’il n’a fréquentée qu’en littérature. Mais de découverte, il n’y a guère que les alentours de la gare de l’Est, ou Peter Bichsel se promène familièrement, n’observant rien, mais regardant tout, comme il le précise.

C’est au fil de ses balades et de ses commentaires, additionnés d’un complément d’archives, avec la musique de Sophie Hunger, que le personnage apparaît dans sa profonde originalité et ses analyses critiques. Fortement engagé, à l’instar de ses pairs Max Frisch et Dürrenmatt, l’homme est aussi attachant qu’intéressant; il est de ceux qui racontent le monde, pas pour le plaisir d’écrire, dit-il, mais pour celui de vivre. A lire d’urgence, donc!