Année bissextile

Un bon sujet ne fait pas forcément un excellent film. L’histoire que raconte Michael Rowe (réalisateur australien établi au Mexique) est bouleversante en elle-même. Mais la façon dont il la filme est si minimaliste qu’on en sort embué dans des pensées contradictoires. Laura (Monica del Carmen) a 25 ans. Elle vit seule, se nourrit mal, gagne plus ou moins sa vie comme journaliste depuis un appartement d’où elle ne sort jamais. Ou presque; elle se fait alors jolie et part à la chasse à l’homme. Jusqu’au soir où elle rencontre celui qui pourrait devenir l’âme sœur. Commence alors une sorte de descente en enfer…

Michael Rowe ne donne aucune clé sur son personnage. Ce sont les actes - ou l’absence d’actes - de Laura qui laissent entrevoir peu à peu l’abus sexuel dans l’enfance et la famille déchirée. La jeune fille n’a qu’un frère à aimer; ou plutôt, elle n’ose aimer que lui. Mythomane, elle dissimule sa triste existence en inventant du rêve. Avoir de l’empathie pour elle est difficile, et le réalisateur ne semble pas avoir cherché à émouvoir. Son portrait ne sombre jamais dans la mièvrerie. Au contraire, il est glacial, tenu à distance par une caméra hyperréaliste.

Car s’il est une chose que Michael Rowe fait bien, c’est détailler ce qu’il y a de sordide dans cette existence. Rien d’autre que ces gestes vains, ces attentes destructrices, cet appartement misérable où l’on va de la télévision au lit, du lit à la télévision. C’est à peine si, au bout de vingt-neuf jours, biffés l’un après l’autre sur un calendrier mural, de confinement, d’apathie, de lent suicide, le rai de soleil qui se risque à travers la fenêtre semble apporter une once d’espoir. Mais Laura l’a vu, elle tourne la page: le mois de mars est là.