Critique
Le petit village de Gorgan, aux confins de l’Iran et du Turkménistan, c’est-à-dire nulle part, serait-on tenté de dire comme Alfred Jarry à propos de la Pologne...
Hassan, lunettes en cul de bouteille et bouche toujours bée, dévisse des plaques de voiture pour sa collection, se nourrit d’abricots secs et glande avec son âne, baladant un cassettophone qui passe et repasse «Tous les garçons et les filles de mon âge»...
Son oncle Kazem glande dans son magasin de confection sous-approvisionné et peu achalandé, dépliant, repliant et réempilant son petits stock de jeans, entre quelques verres de thé sirotés en silence dans l’estaminet voisin.
Alam glande comme employé dans un élevage de poulets en batterie et rêve, muet, de la dulcinée à qui il n’a jamais parlé et qu’il n’a jamais approchée.
Un photographe venu de Téhéran glande dans la récolte d’images pour un album sur la vie quotidienne des Turkmènes et bassine un ménestrel en le faisant poser dans des lieux improbables, entouré de ses «fans», quatre gamins lymphatiques.
Dans ce premier film de fiction montré à Locarno l’an dernier, la caméra de Babak Jalali, 32 ans, natif de Gorgan, glande elle aussi, en d’interminables plans fixes et de lents travellings latéraux. Les paysages sont certes magnifiques, la récurrence de certains menus événements peut engendrer à la longue un certain comique - mais ce qu’on se plaira à appeler un film d’auteur risque de plonger le spectateur non averti dans le monde englandé des songes...
Note: 10
Daniel Grivel
