Romans d'ados

Affiche Romans d'ados
Réalisé par Béatrice Bakhti
Pays de production
Genre
Acteurs Jennifer Peedom
N° cinéfeuilles 615

Critique

Ce fut la surprise à Nyon: plus de six heures de projection sans aucun ennui, sauf durant les entractes! Car la croissance, de 12 à 18 ans, d’Aurélie, Jordann, Mélanie, Rachel, Thys, Virginie et Xavier est passionnante à suivre, on se demande à chaque interruption quels événements vont encore se produire, comment chacun va évoluer, les visages se modifier - bref, c’est plus fort qu’un bon feuilleton, mais sans avoir pu être calculé, concocté, cuisiné (ce qui ne signifie pas que l’élaboration finale n’aurait pas été soigneusement conçue!)


Béatrice Bakhti, solidement épaulée par la journaliste Audrey Sommer, a fixé son audacieuse entreprise à Yverdon, où elle a choisi plusieurs jeunes pour les suivre durant leur adolescence, avec tous les risques que cela impliquait pour tous les participants: l’équipe cinématographique, les protagonistes, leur entourage plus ou moins proche. Impossible en effet, vu l’âge des «héros», d’occulter les familles; il a fallu beaucoup de confiance réciproque et aussi un «pacte», précisant les droits et devoirs, les issues, les retraits possibles et même une finale censure; le pari qui semblait insensé a cependant réussi, à la satisfaction générale.


Ce qui contribue au succès, entraîne aussi l’attention du spectateur, c’est un très beau travail cinématographique, une facture assurée dont il faut féliciter la réalisatrice. Dans le premier épisode, on sent la patte de Denis Jutzeler - sans pourtant que les opérateurs suivants déméritent. Il est curieux d’observer comme, dans tel intérieur familial, à telle table, tel angle s’impose à travers les années. Et le montage, avec des raccords remarquablement fluides de plan à plan, contribue à l’agrément. Ainsi, l’ensemble dépasse le simple intérêt des anecdotes et des destins.


Bien sûr, les jeunes personnages sont chahutés, de l’intérieur et de l’extérieur. Les familles sont souvent fragiles, décomposées, recomposées. Toutes les prévisibles disputes éclatent: à propos de l’école, des heures de rentrée, des factures de téléphone, etc.; avec le temps, les conflits gagnent en aigreur, en acuité. Parfois, police et justice grognent hors champ. L’une des filles se confesse (à la seule caméra) enceinte. Une autre cède au présent, au principe du plaisir immédiat. L’avenir «sérieux» se rapproche et menace, les décisions prennent un poids réel; la majorité atteinte est encore bien verte…


La personnalité la plus attachante est bien Virginie la rouquine, aux allures de Fifi Brindacier, au fort tempérament dès l’enfance, qui rue dans tous les brancards; c’est elle qui, après un échec scolaire, part de son propre gré pour une année en Suisse alémanique, en revient maîtresse du dialecte, accomplit volontairement une école de recrues; au travers de tout, elle conserve pour sa petite sœur, rousse elle aussi, un amour constant et débordant, miroir de l’amour qui lui manque. Mais il ne faut pas oublier les autres, Xavier par exemple qui sort résolument de sa sphère privée, s’engage en politique; et c’est à ce président du parlement des jeunes que Béatrice Bakhti donne le dernier mot, afin d’ouvrir l’œuvre sur la société.


ROMANS D’ADOS prouve que le documentaire de proximité peut être du cinéma au long cours, au long souffle. Une endurance dont a fait preuve aussi la TSR, en soutenant au travers des années une entreprise dont le résultat, longtemps invisible, demeurait en outre aléatoire. Aujourd’hui, la patience et la ténacité de tous sont récompensées.

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