Béjart - Le cœur et le courage

Maurice Béjart est mort en novembre 2007. Son absence est irremplaçable pour la danse. Irremplaçable aussi pour le monde de l’art, car plus qu’un chorégraphe, il était un philosophe, mariant l’esthétique et la pensée dans des épousailles constamment renouvelées.

Reste sa compagnie, quarante danseurs venus du monde entier, qui ont tout appris avec leur maître et maintenant se retrouvent orphelins. Plus orphelin qu’eux, Gil Roman, directeur adjoint de la compagnie depuis 1993, reprend la barre. La responsabilité qui pèse sur ses épaules est immense. Même s’il a été pendant trente ans un danseur et un ami de Béjart, il doit faire fructifier un héritage unique, assurer la pérennité de la compagnie et… trouver sa propre écriture. L’automne prochain, le Béjart Ballet Lausanne (BBL) et son nouveau directeur artistique devront rendre des comptes à la Ville qui les accueille et les fait vivre par sa subvention annuelle.

Arantxa Aguirre, née à Madrid en 1965, a d’abord été assistante réalisatrice avant d’écrire et de réaliser ses propres films. Elle a reçu le Prix Goya du meilleur documentaire en 2006, pour Hecuba, Un Sueno de Pasion. Grande admiratrice du chorégraphe disparu, elle a profité d’une tournée du BBL en Espagne pour solliciter Gil Roman. Le film qu’elle a réalisé est avant tout le reflet du désarroi qui embrume la troupe, mais un désarroi teinté d’espoir, tant chaque membre de la compagnie, les administrateurs, le personnel de scène, comme les danseurs, s’attachent à surnager malgré le deuil.

Les danseurs sont prodigieux; si quelqu’un en doutait encore, la réalisatrice l’en aura convaincu. La passion les habite jusqu’à la moelle et leur courage est un socle puissant pour leur engagement. Dans ce documentaire vivant et généreux, ils apparaissent avec toute la gloire de leur talent; mais leurs propos ne cachent ni le vide qu’a laissé Béjart, ni la fragilité de leur situation. «‘Quoi qu’il arrive, ne te retourne pas sur le passé’, m’a dit Maurice.» L’an dernier, Gil Roman a donc créé Aria, son premier ballet, et le public s’est levé pour l’applaudir. Le film d’Aguirre en montre la mise au point, les répétitions, le résultat. Elle recueille le triomphe du spectacle, mais ne montre pas que la troupe a trouvé son chemin. Pas encore.