Critique
Après LA RAISON DU PLUS FAIBLE, où il narrait un projet de braquage entrepris par des humbles (chômeurs et gagne-petit) dans une ville industrielle belge, Lucas Belvaux nous introduit dans les coulisses feutrées de la haute bourgeoisie française. Inspiré par l’enlèvement en 1978 du baron Empain, il nous fait suivre les tribulations de Stanislas Graff (Yvan Attal), capitaine d’industrie familier des allées du pouvoir.
Marié et père de deux filles, Graff est prestement kidnappé au sortir de son luxueux hôtel particulier et se retrouve enfermé dans une cave, pelotonné dans une tente-iglou et les yeux bandés; d’entrée de jeu, ses ravisseurs masqués lui coupent un bout de doigt qu’ils joignent à leur demande de rançon. Stoïque, Graff endure l’épreuve avec dignité, tandis qu’à l’extérieur son image lisse se lézarde au fur et à mesure que l’enquête met au jour les traits de sa personnalité et de sa morale qu’il dissimulait derrière un masque social impeccable.
La réalisation est soignée, le plateau éclectique (mention spéciale à Michel Voïta en commissaire de police strict - quant à Gérard Meylan, on se demande si, soucieux de préserver son image de bon type, il a stipulé dans son contrat qu’il jouerait un ravisseur marseillais sympa...), les allusions politico-économiques fines. Mais si Yvan Attal a perdu une vingtaine de kilos pour les besoins du tournage, l’intérêt du film reste maigrelet, et on éprouve peu d’empathie pour un homme dont les retrouvailles avec la liberté seront plus dures que sa captivité.
Daniel Grivel