Birdwatchers - La Terre des hommes rouges

Affiche Birdwatchers - La Terre des hommes rouges
Réalisé par Marco Bechis
Pays de production Italie, Brésil
Année 2008
Durée
Musique Andrea Guerra
Genre Drame
Distributeur Océan Films
Acteurs Claudio Santamaria, Chiara Caselli, Matheus Nachtergaele, Leonardo Medeiros, Alicélia Batista Cabreira
N° cinéfeuilles 603
Bande annonce (Allociné)

Critique

BIRDWATCHERS évoque les tentatives faites par une tribu amazonienne d’Indiens - aujourd’hui coincés dans la «réserve» de Carapo - de récupérer les terres qui leur ont été ravies par le passé. Production brésilienne et italienne, le film (engagé) de Marco Bechis sait éviter tout manichéisme, tout discours idéologique ou politique. Une réalisation riche et puissante.

Survol de la forêt d’Amazonie et plongée sur le fleuve: des touristes passent en canot devant un petit attroupement d’Indiens, femmes et hommes nus qui semblent prendre la pose, à moitié dissimulés par la végétation de la rive. Des Indiens qui décochent distraitement quelques flèches dans l’eau et qui rejoignent le camion de leur employeur: ils reçoivent alors un petit salaire, se rhabillent, enfilant jeans et T-shirts…

Le ton est donné d’emblée: BIRDWATCHERS ne sera ni un documentaire, ni une fiction. Ou plutôt les deux à la fois.

Sur un intéressant et solide scénario, Marco Bechis accompagne un groupe d’Indiens Guarani-Kaiowà du Mato Grosso brésilien, emmenés par leur chef Nadio (rôle tenu par Ambrosio Vilhalva, authentique Guarani). Des hommes et des femmes bien décidés à revenir vivre sur les terres de leurs ancêtres occupées présentement par les «fazenderos», des cultivateurs de cannes à sucre et de soja, essentiellement soucieux de rentabilité. Plusieurs suicides viennent d’avoir lieu au sein de la tribu indienne: la communauté se révolte, quitte la forêt et s’installe sur un terrain au bord de la route. Le propriétaire envoie un de ses employés observer le nouveau campement, mais l’homme n’est guère efficace, ni convaincu… Tout le film se construira autour d’une dizaine de personnages et des relations qui vont naître entre occupants et propriétaires terriens.

Le film se présente, sous une forme discrète, comme un plaidoyer et une dénonciation d’un état de faits: profondément attachés à leurs traditions et à leurs croyances, dépouillés de leurs terres, ces Indiens vivent mal et n’ont d’autre solution pour survivre que de s’engager comme saisonniers dans les plantations de cannes à sucre ou dans les distilleries d’alcool voisines. La Fondation nationale de l’Indien (FUNAI), créée il y a plusieurs décennies, a lancé ces dernières années un programme de délimitation des terres revenant aux Guaranis, mais les nouveaux plans sont combattus par les grands fermiers. Lassées d’attendre l’intervention des pouvoirs publics, certaines communautés guaranies ont entrepris de réoccuper peu à peu leurs anciens territoires, malgré les réactions souvent violentes des propriétaires actuels et de leurs hommes de main.

D’autres cinéastes ont déjà parlé des Indiens de cette région (Werner Herzog, FITZCARRALDO, AGUIRRE; Roland Joffé, MISSION; Terrence Malick, LE NOUVEAU MONDE, etc.), mais ils l’ont toujours fait en donnant la parole aux Blancs. Réalisateur italien d’origine argentine, Marco Bechis décrit cette fois-ci la tragédie du point de vue des Indiens, véritables héros du film, mais sans diaboliser pour autant le monde des «colons». Les relations entre Indiens et Blancs sont d’ailleurs quotidiennes: le jeune Osvaldo, apprenti «chaman», est attiré par la fille du «fazendero», qui ne semble pas indifférente… Deux mondes se font face, s’observent, il y a des surprises, l’humour pointe le bout de l’oreille, mais la tragédie n’est jamais très loin.

Le film procède intelligemment par ruptures de tons, la musique jouant un rôle important: une remarquable partition chorale de musique baroque - composée par un missionnaire jésuite du XVIIIe - accompagne plusieurs séquences en leur conférant comme une dimension supplémentaire, d’ordre mystique. Les interprètes indiens du films (non professionnels, bien sûr) sont éloquents et convaincants: «Leur culture, essentiellement orale - précise le réalisateur Marco Bechis dans le dossier de presse -, les a habitués à tenir des rôles dans l’expression de leurs traditions ancestrales.» Et d’ajouter que de bonnes nouvelles arrivent du Mato Grosso: «La FUNAI a déclaré vouloir poursuivre son travail de restitution de terres appartenant légitimement aux indigènes. On craignait une interruption. Je ne pense pas que ce soit le résultat immédiat du film, mais je suis sûr que cela les aidera à récupérer leurs terres. (…) Aucun film n’a jamais changé l’histoire, mais c’est une arme en plus. Il n’est pas trop tard. Je suis optimiste.»

Film destiné à un large public, BIRDWATCHERS peut être considéré comme une fiction-documentaire qui a su trouver la bonne distance, évitant tout exotisme, tout prêchi-prêcha, et donnant vraiment la parole à une communauté qui cherche à retrouver et à défendre ses droits. Pour sa survie.

Antoine Rochat